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encore appuyé à gauche, que le Santerre est découvert, la vallée de l’Avre ouverte et l’accès d’Amiens facilité, tandis qu’au Sud de Montdidier une nouvelle voie se dévoile vers l’Ile-de-France. Vers cette trouée ouverte comme vers le mur démantelé qui la flanque à gauche, il entend lancer toute sa force : 14 divisions ne sont pas assez ; il renonce momentanément à élargir la bataille à sa droite ; ce qu’il veut élargir, c’est le trou à sa gauche. Et il n’y a pas une minute à perdre ; déjà il sait que les gens de France sont apparus sur l’Avre, mais peut-être ne sont-ce qu’éléments de l’armée Humbert étendus et presque aventures à l’extrême gauche de celle-ci. Soudain un officier d’état-major est tué près de Davénoscourt : sur lui se trouve la preuve qu’une nouvelle armée française, qu’on croyait à Toul, a son quartier général dans la région de Montdidier. Ou cette armée française est déjà en nombre, et c’est un danger tel pour les divisions qui marchent vers le front de l’Avre, qu’il peut entraîner une funeste aventure pour l’armée allemande prise de flanc. Ou (on sait que c’est le cas) elle n’est constituée encore que par des forces médiocres, et il la faut bousculer avant qu’elle ait pu s’établir solidement derrière les Anglais rejetés vers le Nord. Dans les deux cas, il y a urgence à grossir la force assaillante ; si le trou créé peut être élargi de façon à y engouffrer une armée, il ne peut l’être que vingt-quatre heures, — peut-être douze, — peut-être huit ; il faut précipiter l’assaut tout en le renforçant, bourrer, foncer irrésistiblement et une fois pour toutes transformer l’Einbruch (enfoncement) en Durchbruch (rupture). Et c’est ainsi que, le 28 au matin, 80 000 hommes, du Nord se ruent au Sud, courant tous vers le trou que par ailleurs les 100 000 camarades déjà visaient : en tout 240 000 hommes précipités sur un front de sept lieues à peine.


XX. — LA RÉSISTANCE DE LA 1re ARMÉE

Face à cette formidable ruée, le général Debeney ramassait ses forces ; elles n’étaient pas encore bien grandes : la 56e, abîmée par la terrible journée du 27, le groupe Mesple, 133e et 4e division de cavalerie ; à peine la 127e division atteindra pour y débarquer, le 27 au soir, la région de Breteuil ; à peine la 29e, à peine la 163e sont-elles en route. Et c’est déjà merveille que,