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l’Echelle-Saint-Aurin. La 22e continuait cependant à tenir un front trop large qui sans cesse craquait : entre elle et la 62e, le trou se creusait derechef. Ce fut un moment critique : le général Robillot, qui suivait la bataille sur place, organisa lui-même un barrage de fortune : son escadron d’escorte et les agents de liaison de son corps furent jetés dans le trou, puis un groupe cycliste, et ces braves gens tinrent jusqu’à l’arrivée de deux escadrons de la 1re division poussés de Fresnières sur le Nord. Le front put tant bien que mal s’établir de Dancourt (entre Roye et Lassigny, par Fresnières) au Plessis-Carbeleux où la 62e trouvait un appui solide dans le régiment de gauche de la 77e division, établie, nous le savons, dans la région de Lassigny.

NesIe perdu le 25, Roye le 26, l’ennemi n’allait-il pas pousser jusqu’à Montdidier ? Le général Humbert, le soir du 26, adressait à ses soldats un nouvel appel : Un « devoir impératif » exigeait » qu’on ne reculât plus d’une semelle de la position principale de l’armée. » « Que tous les chefs, ajoutait-il, soient profondément résolus à accomplir ce devoir jusqu’à la limite extrême du sacrifice et sachent l’exiger de leurs hommes. »


XIV. — LE 27 MARS. L’ENNEMI ARRÊTÉ

Le général Humbert pouvait cependant se déclarer rassuré. Sans doute l’effort ennemi allait continuer à se faire très pressant, mais on percevait chez l’Allemand quelques indices d’essoufflement. On arrivait au septième jour de la bataille et la résistance acharnée des troupes françaises jetées le 23 dans l’action avait produit un premier effet : l’ennemi, contrarié après une première avance victorieuse, n’avait plus l’élan des premières heures. A l’Est, il allait être arrêté net : le général Pellé, établi du Piémont au Mont Renaud, allait faire maintenant solide barrière. A l’Ouest, l’Allemand avait évidemment le champ plus libre : de Péronne et Ham, il avait gagné Chaulnes, gagné Nesle, gagné Roye, et son élan allait le porter jusqu’à Montdidier. Mais la rapidité même avec laquelle il y roulait, amincissait le torrent et l’appauvrissait ; loin de s’élargir, son lit se rétrécissait. L’infanterie allemande s’avançait à grands pas, mais son artillerie ne pouvait suivre. D’autre part, les renforts précipités par Pétain arrivaient : 36e, 77e, 70e, 53e divisions ; l’état-major du 35e corps recevait un secteur à