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Sud du parallèle de Péronne sur la ligne Péronne-Noyon… » Et dans son esprit toutes les hypothèses sont prévues. « La 1re armée ou prolongera la gauche de la 3e armée pour la relier à la droite britannique, si celle-ci continue à tenir. » Voilà pour déjouer le plan de rupture ; et voici pour couvrir Paris, si besoin se produit : « ou renforcera et étayera la 3e armée, soit en occupant à l’avance les positions de repli, soit en contre-attaquant. » Le 26, une instruction très ferme définira, en face de la double tentative, maintenant visible, de l’ennemi, le rôle de Fayolle. « La première mission du G. A. R. est de fermer aux Allemands la route de Paris et de couvrir Amiens. La direction d’Amiens sera couverte au Nord de la Somme par les armées britanniques aux ordres du maréchal Haig, qui tiendra à tout prix la ligne Bray-sur-Somme-Albert ; au Sud de la Somme, par le G. A. R. sous vos ordres, en maintenant la liaison avec les forces du maréchal Haig à Bray et avec le G. A. N. sur l’Oise. » Les ordres se succéderont ainsi, nets, clairs, impératifs.

Quiconque a vu alors Pétain à son poste de commandement s’explique facilement telle chose. Jamais il n’avait paru plus tranquille, alors que sans doute les soucis l’assaillaient, et lui, d’aspect si froid à l’ordinaire, semblait de belle humeur. Ainsi l’avais-je vu à Verdun, aux pires moments. Pas une minute, la bataille ressaisie par lui ne flotta dans ses mains. Il voit tout à la fois précis et large. Il compte sur ses lieutenants, Fayolle qui est une des grandes vertus de cette guerre, Humbert qu’il sait agressif et allant, Debeney qu’il tient pour imperturbable et opiniâtre. Mais plus que sur personne, il compte sur ce soldat en l’âme duquel il a mis depuis un an toutes ses complaisances et à qui il a apporté tous ses soins. C’est à lui qu’il s’adresse le 25 et c’est, autant que le salut du grand chef, l’appel de l’ami : « L’ennemi s’est rué sur nous dans un suprême effort. Il veut nous séparer des Anglais pour s’ouvrir la route de Paris. Coûte que coûte, il faut l’arrêter. Cramponnez-vous au terrain ! Tenez ferme ! Les camarades arrivent. Tous réunis vous vous précipiterez sur l’envahisseur. C’est la bataille ! Soldats de la Marne, de l’Yser et de Verdun, je fais appel avons : il s’agit du sort de la France ! » Et à chaque heure, des divisions étaient alertées, des divisions étaient embarquées : il en venait d’Alsace, de Lorraine, de Champagne : la 4e de cavalerie, la 38e, la 133e, la 56e, la 53e, la 36e, la 77e étaient précipitées vers le champ de bataille. Déjà