Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soin de défendre la route de Nesle à Roye. Les Allemands s’y étaient rués et, nous faisant reculer, avaient ainsi derechef rompu la liaison entre les deux armées : de son côté, la 10e division avait, nous l’avons vu, à l’autre extrémité de cette partie du champ de bataille, dans la région de Guiscard, dû se replier sur Gatigny : se maintenant difficilement en liaison avec son propre corps à sa droite, elle avait, parce recul, perdu celle de la 62e division à sa gauche ; celle-ci, pour boucher le trou, avait étendu sa droite vers les bois de Libermont, au Nord-Ouest de Guiscard, soutenu dans cette région une lutte très âpre et perdu Libermont. Il y avait donc flottement, mais ce qui plus que toute chose inquiétait, c’était le trou qui se dessinait entre les Anglais rejetés à l’Ouest de Nesle et la 22e division en retraite. Le général Robillot fit appel aux vaillants cavaliers de la 1re division : la 2e brigade de cuirassiers fut poussée vers le petit ruisseau de l’Ingon juste au moment où les Allemands, désireux de creuser le trou, s’engageaient ; la 22e se repliait devant eux vers le Sud-Est de Nesle sur Crémery, tandis que les Anglais étaient, d’Herly et d’Etalon, refoulés vers le Santerre, plus à l’Ouest. Les Allemands, se jetant au Sud-Ouest enfin, de Breuil à Buverchy, le corps de cavalerie devait se replier sur la ligne Gruny-Solente-Catigny ; cependant des cavaliers avaient pu reprendre le contact à l’Ouest de Nesle avec les Anglais, mais, du fait de la retraite britannique vers le Santerre où, à la vérité, nos alliés s’allaient fixer, la gauche de la 3e armée avait à couvrir toute la région de Roye, et, si Roye était perdu, la région de Lassigny-Montdidier dont j’ai dit qu’elle était sans lignes sérieuses où s’accrocher. Sans cesse sollicitée de chercher la liaison à gauche, l’armée Humbert se distendait : le corps Pellé s’étant replié au Sud et Sud-Ouest de Noyon, il était assez difficile non seulement de se maintenir longtemps autour de Roye, mais encore de fermer la route de Roye à Montdidier, brusquement découverte par le retrait à l’Ouest de l’armée britannique. Le général Debeney, nous le verrons, venait d’apparaître dans cette région ; mais il attendait encore ses troupes, et la situation paraissait inquiétante au suprême degré. Elle l’était à ce point qu’ordre fut donné au général Humbert de reporter son Quartier Général à Clermont, quand déjà on signalait des partis ennemis essayant de se glisser vers Montdidier.

Heureusement, du général d’armée au plus petit soldat, les