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pas… »… « Il avait compris que tout se résout, au fond, à se choisir une place au cimetière… »

En traitant une telle matière, il est malaisé de ne pas tomber dans quelque exagération ! car elle ne comporte guère le souci des nuances ; elle invite à l’excès ; elle provoque pour ainsi dire le défaut de mesure et quelquefois le manque de goût. Qu’il plaise à un joueur de perdre en une seule nuit cinquante mille francs, c’est son affaire ; pour peu qu’il tienne à perdre davantage, libre à lui, un certain nombre de folies sont considérées comme permises : mais ce n’est pas une raison pour qu’il veuille se faire prendre au sérieux, et considère le jeu comme une manière de sacerdoce. Il y a des gens qui pensent faire bon usage de leur temps, en le consacrant à séjourner devant les comptoirs des bars, perchés sur de hauts tabourets, et buvant de l’alcool avec des pailles ; j’imagine qu’ils sont très contents d’eux : mais qu’ils prétendent par surcroît à l’admiration du vulgaire, voilà qui est excessif. Des occupations de ce genre ont perdu tout crédit, même sur l’esprit des collégiens ; à plus forte raison sur des lecteurs qui ont dépassé l’âge de l’extrême jeunesse. J’aimerais que M. Guido da Verona nous marquât la vulgarité, la sottise que comporte cette vie prétendue élégante, et nous fît mieux comprendre qu’il n’est pas dupe, puisqu’en effet il ne l’est pas.

L’insistance est plus déplaisante lorsqu’il s’agit de passages licencieux. Aucune interprétation de l’art, même la plus libre, ne me fera comprendre la nécessité de tant de garçonnières et de tant de déshabillés. S’il est contraire aux idées de l’auteur de parler d’épuration, parlons d’allégement, et disons que beaucoup de pages gagneraient à être considérablement allégées. Je suis tout à fait convaincu que M. Guido da Verona n’insiste pas plus qu’il ne le croit strictement nécessaire à son sujet ; je sais même qu’il est ému par le reproche de vouloir exciter la curiosité malsaine d’une certaine catégorie de lecteurs. Mais c’est déjà trop, en une matière aussi délicate, que de provoquer le reproche, même s’il n’avait pas l’air d’être justifié. Ainsi de suite, à l’avenant : parfois, c’est le ton qui est criard ; parfois, ce sont les ressorts de l’action qui sont plutôt que dramatiques, mélodramatiques ; parfois, c’est l’esprit qui manque d’atticisme. L’exagération du procédé : voilà le défaut.

Et puis, lorsqu’on a fait toutes ces réserves, insisté sur toutes ces critiques-, reste toujours un incontestable don d’observer et de rendre un aspect de la vie. Certains passages agacent, irritent ; on voudrait laisser tomber le livre : il n’empêche qu’on achève la lecture et