Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


L’heure insensiblement se faisait violette.
Après le chaud du jour, les plantes buvaient l’air
Chaste, — et que traversait le bourdonnement clair
Des couvents d’Antria, d’Assise et de Spolète.

Tous les contours étaient fondus et diaprés,
L’ombre, autour du soleil, flottait comme une cendre.
Heureux les yeux humains qui savent voir descendre
La beauté des couchants sur la grâce des prés !

— Quand il eut contemplé cette fête excellente,
François, le chef nimbé de son dernier reflet,
Vint au Logis et vit celle qu’il appelait
La Fille de son âme et sa petite Plante.

Elle priait tout bas, sous le voile léger,
Appuyée à la sœur qu’elle avait avec elle :
Cécile, Andrée, Agnès ou cette douce Angèle,
Lampe de la Demeure et Rose du Verger.

Près du bois de mûriers, visité des abeilles,
Le couvert était mis sous deux cyprès jumeaux ;
Or, l’on n’y voyait point de vaisselle ou d’émaux,
Mais des vases grossiers et de pauvres corbeilles.
 
Nul ne s’était troublé de mets ou de liqueurs ;
Un pain fut apporté du fournil d’une veuve, —
Car l’homme, au long du jour, se nourrit et s’abreuve,
Mais le Christ est le vin qui réjouit les cœurs.

Sa figure invisible animait cette scène ;
On eût dit, — bien qu’on fût aux jours d’Honorius, —
Tant les fronts étaient purs, les témoins d’Emmaüs,
Tant l’air était fervent, la maison de la Cène.