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Ils vont, du municipe au seuil érémitique,
Le long des sentiers, deux par deux,
Heureux du ciel toscan, du souffle adriatique,
Ou quand un tisserand, au coin de sa boutique,
Les regarde et se moque d’eux.

Ils annoncent le Verbe au siècle qui s’étonne
Et le pacte qu’il enseigna.
Leur voix fait assembler aux silences d’automne
Les bouviers de Fermo, les marchands de Cortone
Et les oiseaux de Bevagna.

Les uns sont mendiants, les autres sont apôtres.
Ils ont le bâton des bergers.
— Ces foules à genoux, ce ne sont plus les nôtres, —
Les uns font oraison, prêchent, quêtent. Les autres
Rêvent sous des arceaux légers.

Ils sont le sel promis, et la terre ancienne
S’orne comme un jardin béni.
Partout, — germe royal, flore patricienne, —
L’ordre couvre le sol, et la cloche de Sienne
Répond à celle de Terni !…

Tout ravissait leur âme : une fougère, une aile,
Un nuage sur l’orient.
Ce fut le pur instant dans la suite éternelle,
Une communion des êtres, fraternelle,
Un panthéisme souriant.

Les haines s’effaçaient avant que d’être écloses.
Les hommes étaient doux, conquis
Aux baisers de la source, aux caresses des roses,
Au rythme universel, au murmure des choses,
— Cœurs délicieux, temps exquis !