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réélisant. On procéda séance tenante à l’élection de deux membres brabançons du Conseil et la même farce fut jouée dans plusieurs villes. Une proclamation d’indépendance fut même affichée sur les murs de la capitale.

A parler de cette tragi-comédie trop connue, on éprouverait une étrange amertume, s’il n’y avait à rappeler en même temps la suite qu’elle a eue, revanche consolante du patriotisme belge sur la servilité de quelques hommes vendus à l’Allemagne. Les Activistes s’étaient moqués trop impudemment de la longanimité de leurs concitoyens. Un mouvement protestataire violent éclata, qui se traduisit par des ordres du jour et des adresses, que les conseils communaux des grandes villes flamandes dépêchèrent au chancelier. Tous les députés et sénateurs, présents dans le royaume, tinrent à honneur de s’associer à cette réprobation. Quant à la population, elle manifesta ses sentiments avec une énergie telle qu’il n’y eut pas moyen de s’y tromper. Les sifflets, les huées et les horions, essuyés par les cortèges activistes à Anvers et ailleurs, ne laissèrent aucune illusion aux Judas qui usurpaient les fonctions de représentants du pays. Le retentissement de leur piteuse aventure fut grand à l’étranger et les mensonges de la presse germanisée ne parvinrent pas à l’étouffer.

L’affaire eut, comme on sait, pour couronnement, deux coups de théâtre impressionnants : l’intervention de la Cour d’appel de Bruxelles, frappée aussitôt par la déportation en Allemagne de ses présidents, et, à la suite de cet attentat contre la magistrature et les lois du peuple belge, la décision de la Cour de cassation de ne plus siéger, donnant ainsi l’exemple aux autres tribunaux. La grève de la magistrature était une fière et silencieuse leçon pour le pouvoir occupant. L’autorité violée de la justice et le courage civique des juges venaient puissamment renforcer la résistance nationale. Les magistrats belges avaient bien mérité de la patrie.


Ces événements ont-ils ouvert les yeux au gouvernement impérial, trompé par ses agents sur les progrès de l’activisme ? On fut tenté de le croire, lorsque, quelques semaines après, le chancelier de l’Empire convia de la tribune du Reichstag le gouvernement du Havre à une conversation préliminaire en