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rapprochée de notre frontière au point de la frôler. Français et Allemands ne se souciaient du reste nullement de se mettre sur les bras l’Angleterre, résolue à défendre par les armes l’intégrité du territoire belge. Je suis porté à croire qu’elle aurait agi de même en toute occurrence, que la Belgique fût ou ne fût pas vouée à la neutralité, parce que l’honneur et l’intérêt britanniques empêchaient qu’une pareille proie ne tombât entre les mains des belligérants. Le cabinet Gladstone, dès qu’il connut par une indiscrétion de Bismarck les anciens desseins de Napoléon III sur notre pays, mit un empressement significatif à faire signer par l’empereur des Français et par le roi de Prusse l’engagement de respecter la neutralité belge ; son intervention hâtive montre le prix qu’il attachait à « l’existence même » de la Belgique.

On assure que la garantie, prévue par le traité de 1839, a, seule, décidé l’Angleterre, répondant à l’appel du roi Albert, à prendre les armes le 4 août 1914 pour la défense de notre neutralité. Cependant le prince Lichnowsky, dans son Mémoire retentissant, qui l’a livré à la vindicte de son gouvernement, exprime la conviction que l’Angleterre, en toute circonstance, aurait défendu les Français. A plus forte raison fût-elle venue au secours du petit royaume belge, dont la situation géographique et stratégique a autant d’importance que la France, — plus encore peut-être, — pour sa propre sûreté. Sans doute, me dira-t-on, mais son entrée en scène se serait produite trop tard et le sort de la Belgique eût été à ce point compromis que l’apparition de l’armée britannique aurait été inutile. On oublie que notre territoire était déjà aux trois quarts envahi quand cette héroïque petite armée tenta de barrer la route de Mons aux masses allemandes. Il est, d’ailleurs, probable que, s’il eût été trop tardif, l’appoint des forces anglaises aurait été largement remplacé par une proportion plus considérable de troupes belges, car une Belgique, que n’eût point protégée la fiction de sa neutralité conventionnelle, aurait cherché cette protection dans une augmentation de son armée, sans parler des alliances militaires qu’elle aurait été libre de contracter.

La France également, après avoir promis de respecter notre neutralité, si elle n’était pas violée par une autre Puissance, est accourue à notre aide. Son appui nous aurait été acquis en