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travail journalier de rédaction (les fonctions de Buloz), mais nous avons l’homme propre à cette fonction. C’est Joanne, le cousin de Viardot que vous connaissez un peu. Il sait l’anglais et l’allemand, il écrit très proprement, est fort instruit sur les choses pratiques, et les siennes, qui se rapportent à ces choses directement, la géographie, la statistique, une certaine histoire. » Ils ont aussi l’argent nécessaire, car ils ont calculé que les frais par an s’élèveraient à 50 000 francs ; ils ont la moitié de cette somme, ils peuvent donc s’embarquer…

« Il nous faut votre Horace, qui a été la première cause de toute cette belle imagination, il nous le faut promptement, il faut donc l’arracher jusqu’à la dernière plume, des griffes de ce butor de Buloz. »

Ils ont été très prudents et discrets pour que Buloz n’ait vent de rien. Viardot serait en mesure de lui rembourser, à lui Buloz, les sommes qu’elle doit, et puis on lui ferait une aussi rude concurrence que l’on pourrait. Et maintenant, voici ce qui sera offert aux lecteurs de la Revue sociale : d’abord, les sept discours de Pierre Leroux, morceaux de consistance ; peut-être des vers de Béranger, si Béranger entre dans la combinaison ; sinon, non. Ils ont plusieurs articles de Littré. Fortoul aussi donnerait volontiers les bonnes pages de son livre qui va paraître… et puis c’est tout : « Nous taillerons nos plumes[1]. » Pour finir, Leroux conseille à George Sand de payer intégralement sa dette à cet « être détestable » et de charger Falempin de tout.

Le 8 octobre suivant, en effet, Falempin, qui avait déjà paru dans le procès en séparation de George Sand, reparait, et, dévoué auxiliaire, rembourse à F. Buloz le paiement qu’il avait fait pour Horace : le traité est ainsi annulé.

« Mon avis moral, écrit encore Leroux à George Sand, est qu’il est absurde et déplorable que le journal ou Revue de Buloz soit l’arbitre de vos publications. Chère amie, tout cela mérite grande attention. Il y a longtemps que vous sentez comme moi votre position dans cette misérable boutique, où se sont conclus tant de marchés ignobles et où la littérature s’est prostituée comme Buloz l’a voulu. Vous échappez à tous les soupçons par votre grandeur, mais votre réputation de caractère y perd

  1. Collection S. de Lovenjoul.