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C’est ainsi préparés à la lutte que, le mercredi 18 février, au Reichstag, devant cette foule violemment pressée, outrageusement élégante et sourdement hostile qui s’étouffait dans les tribunes du public, les quinze députés d’Alsace et de Lorraine firent, comme on l’a vu, leur entrée dans l’arène.


III

En finir le plus promptement possible avec l’importune protestation des Alsaciens-Lorrains et faire autour d’elle la conspiration du silence, tel était le plus ardent désir du gouvernement allemand.

En déposant leur motion le lundi 16 février, pendant le discours de M. de Moltke, les Français s’attendaient à ce que la discussion fût remise à huit ou quinze jours ; grand fut donc leur étonnement de voir le président, par une ingénieuse interprétation du règlement et de l’arithmétique, en fixer la date au surlendemain.

Avant l’ouverture de la séance, toujours même conspiration d’étranglement ; d’accord avec le gouvernement, les différens groupes de la Chambre, après multiples conciliabules et nombreuses hésitations, avaient finalement renoncé à choisir dans chaque parti, comme on y avait tout d’abord pensé, un orateur chargé de répondre aux Alsaciens-Lorrains ; l’on s’en tenait au strict silence, et il était fermement convenu que, quoi que pussent dire ou faire les députés d’Alsace et de Lorraine, il ne leur serait rien répondu[1].

Pour la présentation de leur motion commune, M. Teutsch, député de Saverne, avait été désigné par tous ses collègues.

M. Edouard Teutsch, dans toute la force de l’âge, — quarante-deux ans, — vigoureux, d’aspect ouvert et sympathique, était un Alsacien pur-sang, maître de verreries à Wingen, sa ville natale, non loin de Saverne. Conseiller général du département du Bas-Rhin avant la guerre de 1870, il avait, après nos malheurs, lors des élections de février 1871, été choisi par ses compatriotes comme représentant à l’Assemblée nationale réunie à Bordeaux pour se prononcer sur la paix. A Bordeaux, il avait pris part à l’émouvante protestation des députés de

  1. Le Temps, samedi 21 février : « On écrit de Berlin à la Gazette de Cologne. »