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les troupes et la police anglaises seraient occupées et retenues ailleurs. De l’argent impur circulerait autour de tout cela, venu de très loin, par des voies détournées, infectant de son contact sordide la plus noble passion des hommes, le patriotisme. La plupart des gazettes inspirées à la Wilhelmstrasse se récrient, et traitent ces récits de fables ridicules. Mais quelques-unes, tout en repoussant le grief, avouent indirectement, comme la Post de Berlin qui écrit : « L’Irlande libre, c’est une Irlande indépendante, forte, amie de l’Allemagne, aux portes de l’Angleterre; ce n’est ni plus ni moins que la domination de l’Angleterre brisée, la liberté des mers conquise. Les événements d’Irlande appellent la plus grande attention de l’Allemagne pour des motifs militaires et politiques... Déjà la résistance passive des Irlandais retient trois quarts de million d’hommes loin de notre front. Plus de 500 000hommes des meilleures troupes irlandaises s’abstiennent de participer au service armé pour l’Angleterre; en outre, 200 000 hommes de troupes anglaises ont été nécessaires jusqu’à ce jour pour surveiller l’Irlande insubordonnée. » La même feuille, dans le même numéro, signale, en s’en réjouissant, « les difficultés de l’Angleterre dans l’Afrique du Sud, » et « le vaste mouvement républicain qui, sous la direction du chef de l’opposition parlementaire, le général Hertzog, s’est dessiné dans tout le pays. »

Voyez ce que l’Allemagne a fait de la Russie par l’intermédiaire des bolcheviks, ses instruments. Un chaos où le Créateur lui-même ne reconnaîtrait plus sa création. Plus de nation, plus d’Etat, plus de frontières ni d’institutions; plus d’autorité, ni de liberté, ni de propriété, ni de sûreté, ni de lois, ni de biens, ni de patrie, ni de foyer. Dans cet affreux mélange, l’Empire allemand puise à poignées, attirant à lui morceau sur morceau. L’Esthonie et la Livonie seraient admises dans la Confédération germanique, probablement comme provinces prussiennes. La Lithuanie serait à tout le moins protégée, peut-être confiée à un prince saxon. La Finlande, au moyen d’arrangements militaires et économiques, tombe dans l’orbite de l’Empire, auquel elle fait « le pont » si ardemment désiré vers le Nord, à ce prix et dans ce dessein prolongé jusqu’à la Côte mourmane. Il se découvre en Pologne plus d’affinités allemandes que d’aspirations autrichiennes. En Oukraine, l’hetman Skoropadski, quelle que soit l’antiquité de sa famille, doit se douter qu’il n’est pas soutenu pour lui-même. Du Caucase, vers la Perse, vers le Turkestan, vers l’Afghanistan, vers les Indes, l’Allemagne pousse ses complices touraniens. De Sibérie, elle pointe le doigt vers la Chine et vers le