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Aux catholiques d’Alsace et de Lorraine, le « Centre » avait fait des avances toutes particulières ; il les avait pendant les élections engagés à envoyer au Reichstag le plus grand nombre possible de députés, prêts à combattre de tout leur pouvoir Bismarck et ses lois ecclésiastiques ; et depuis l’arrivée à Berlin de ces députés, le « Centre » affectait de leur faire l’accueil le plus flatteur, leur souhaitant la bienvenue, et, dans la soirée du dimanche 15 février, les invitant à assister à une réunion du parti[1].

Ce premier contact avec le Centre causa toutefois aux députés français quelques désillusions : en ce milieu, les sentimens dont était enflammée leur âme ne recueillaient, au lieu de la sympathie attendue, que froide indifférence, et même hostilité cachée. « Gardez-vous, leur disait-on, de compromettre dès l’abord, par une protestation stérile, l’influence que vos prochains votes seront de nature à exercer en faveur de la cause religieuse. Le Gouvernement ne manquerait pas d’en être irrité contre le clergé alsacien-lorrain et nous ne pourrions plus, dans la suite, nous associer à vous pour défendre utilement les intérêts catholiques en Alsace-Lorraine[2]. » « Comprenez donc, disait-on encore, que nous ne pouvons pas encourir le reproche d’Heimathlosigkeit (manque de patriotisme) en marchant côte à côte avec des hommes qui auraient si gravement offensé la patrie allemande[3]. » Ainsi, envers les députés catholiques d’Alsace-Lorraine, les intentions du Centre étaient parfaitement claires : se servir d’eux, sans les aider ; tout recevoir et ne rien offrir.

Très différente était l’altitude des socialistes : les chefs écoutés de ce parti, Bebel et Liebknecht, avaient, dès le mois de mai 1871, protesté déjà avec vigueur contre l’annexion violente de l’Alsace et de la Lorraine à l’Empire d’Allemagne. Tous deux, il est vrai, par ordre de Bismarck, se trouvaient pour le moment sous les verrous, mais leurs idées dépassaient les murs des cachots.

Quant aux Polonais, comment douter de l’ardente sympathie de ces martyrs anciens envers les récentes victimes de la tyrannie prussienne ?

  1. Le Temps, jeudi 19 février, citant la Gazette d’Elberfeld.
  2. Abbé Félix Klein, op. cit.
  3. Le XIXe Siècle, 26 février.