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proportionnellement, chez eux, c’est l’inverse. Ces doux explosifs comme les autres couramment employés le nitrocrésol, le trinitroxylène, la dinitronaphtaline, le nitrate d’ammoniaque, etc. sont tous dérivés plus ou moins directement de la nitratation des produits organiques provenant de la distillation de la houille. Or, cette nitratation se fait obligatoirement par les mélanges sulfonitriques et par des procédés analogues à ceux que nous venons de décrire pour la poudre.

La tolite, par exemple, est faite au moyen du toluène qui est un des liquides aromatiques obtenus par la distillation de la houille ou-des pétroles. On lui fait subir des nitratations successives qui donnent le trinitrotoluène (c’est le nom de la tolite, nom très clair puisque celle-ci est un toluène triplement nitré).-Pour faire 100 kilogs de tolite, il faut environ Ï50 kilogs d’oléum.

Mais il convient de remarquer qu’en réalité dans la préparation de tous ces explosifs, l’acide sulfurique le plus souvent intervient encore indirectement d’une autre manière, puisqu’il est l’élément essentiel de la préparation classique de l’acide nitrique lui-même. Dans cette préparation en effet, l’acide provient du traitement du nitrate de soude par l’acide sulfurique. Depuis que la crise du tonnage a rendu plus difficile et d’un moindre rendement l’importai ion des nitrates du Chili nécessaires à cette fabrication, on s’est efforcé chez les Alliés, à l’imitation de ce qu’a fait l’Allemagne sous la pression du blocus, à fabriquer l’acide nitrique directement à partir de l’azote même de l’air. Le procédé le plus employé pour cette synthèse est maintenant le procédé à la cyanamide dont je reparlerai ci-dessous. Mais l’acide nitrique ainsi obtenu par captation directe de l’azote de l’air est trop faible, trop hydraté pour être immédiatement utilisable, et c’est encore, c’est toujours l’acide sulfurique qui doit intervenir pour lui enlever son excès d’eau, et le rendre propre à la fabrication des poudres et explosifs.

L’acide picrique (mélinite) nous conduit aux mêmes conclusions que la tolite. C’est en traitant le phénol par les bains sulfonitriques qu’on obtient ce corps qui, sur l’acte de baptême de la chimie orthodoxe, s’appelle le trinitrophénol. De même que le trinitrotoluène procédait du toluène, 100 kilogs de phénol donnent ainsi 180 kilogs d’acide picrique. Il y a mieux : c’est que l’acide sulfurique est l’agent essentiel de la fabrication du phénol. Car on fabrique aujourd’hui le phénol, par synthèse et en grand, par un procédé connu dès avant la guerre, et qui supplée à notre disette relative de phénol extrait de la houille.