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avait compris aussitôt que la situation devenait grave pour l’Allemagne et il en avait averti son gouvernement. Celui-ci, pour affermir l’opinion allemande, avait décidé de faire présenter par le Vatican de nouvelles propositions de paix, non qu’il espérât le moins du monde qu’elles seraient acceptées, mais pour que leur refus escompté et prévu lui permît de calmer la population civile, de montrer que ce refus des Alliés d’entrer en négociations ne laissait à l’Allemagne d’autre alternative que de continuer la guerre.

En outre, on comptait créer ainsi aux Etats-Unis un revirement en faveur de l’Allemagne, de telle sorte que l’opinion publique ne soutint plus ou désapprouvât ouvertement le Président, s’il tentait de maintenir la ligne de conduite précédemment annoncée.

Le rapport secret du comte Bernstorff sur la situation créée par les torpillages du Marina, puis de l’Arabic avec pertes de vies américaines, précipita l’action du gouvernement. L’offre de paix faite par l’Allemagne, à l’instigation de son ambassadeur, surgit comme une barrière efficace contre toute action qui aurait pu décider les Etats-Unis.

C’est alors que le Président envoya le fameux message dont la déclaration du secrétaire Lansing sur les Etats-Unis « au bord de la guerre » donna la plus rigoureuse explication. Le Président qui avait suivi de près et sans cesse déjoué la manœuvre allemande était donc fort éloigné de faire confiance à l’ambassadeur allemand. S’il avait cru bon d’avertir, par son retentissant message, le peuple américain que la guerre pouvait être prochaine et, malgré lui et eux, être imposée aux États-Unis, il est bien probable qu’il avait déjà compris, à part lui, à quel point cette guerre était devenue inévitable. Cependant il eût été infidèle à la ligne de conduite qu’il s’était tracée, s’il n’avait tenté, par tous les moyens et jusqu’au bout, de retarder encore ou d’éviter cette guerre. Sans doute fut-ce la raison qui le fit entrer en conversation avec l’ambassadeur. Il le fit avec cette maîtrise de soi qu’il avait déjà fait paraître en de si nombreuses occasions. Il écouta assurément, il parut accepter les- propositions de l’ambassadeur. Il remercia des flatteries. Il se garda de rien promettre, et pour cause.

De ces entretiens, peu nombreux, qui eurent lieu sans doute à la Maison Blanche, un Saint-Simon pourrait donner un