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Certains candidats enfin, franchement allemands, crurent pouvoir se présenter aussi aux électeurs ; c’étaient notamment le comte Henkel de Donnersmarck, grand propriétaire d’usines, devenu préfet de Metz et qui escomptait le vote de ses ouvriers allemands. C’était encore à Mulhouse un cerlain Grunelius, Allemand de Francfort, frauduleusement introduit dans une grande famille manufacturière de Mulhouse par un mariage de surprise : « Le chagrin tue sa femme ; le mépris de sa propre famille le met à l’index, » tels étaient les renseignemens privés donnés sur ce personnage par un Mulhousien[1].

Pour favoriser leurs candidats, les autorités allemandes savaient employer à la fois, — comme on peut le penser sous le régime de dictature et d’état de siège auquel était soumise l’Alsace-Lorraine, — et la violence et la ruse. Tous les maires, sans exception, — c’est une chose sur laquelle il est bon d’insister, — choisis par le gouvernement, se montraient avec un remarquable ensemble les bas serviteurs du pouvoir : « M. Nessel, maire de Haguenau, écrivait-on au Journal d’Alsace, ayant retiré sa candidature, la seule franchement bismarckienne qui eût paru dans le pays annexé, tous les maires du canton, un seul excepté, se sont empressés d’adresser une lettre au Kreisdirektor de Haguenau pour le prier d’accepter la candidature[2]. »

Enfin, à Mgr Raess, évêque de Strasbourg, les Allemands, dans la circonscription de Schlestadt, avaient ingénieusement imaginé d’opposer, sous cette fameuse étiquette « parti alsacien, » la candidature de M. Kessler, pasteur de l’église française de Berlin. On sait que les descendans des protestans français, expatriés lors de la révocation de l’Edit de Nantes, et devenus, hélas ! de fanatiques Prussiens, ont conservé leurs pasteurs particuliers, — calvinistes au milieu des luthériens, — et que le culte est encore quelquefois célébré en français. « Aux revendications de M. Schneegans, disaient aimablement les promoteurs de la candidature de cet Alsacien berlinois, M. Kessler joindra celle du droit, pour l’autorité municipale, d’ajouter l’enseignement de la langue française au programme officiel[3]. » Ainsi les Germains, — natum mendacio genus,

  1. Le XIXe Siècle, 28 janvier.
  2. L’Univers, lundi 19 janvier, 1874.
  3. Le Temps, mardi, 27 janvier.