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du rappel, pour son pays de la guerre, il essaie tour à tour pour les reprendre de la violence, puis du chantage. Le département d’Etat, pourtant, qui n’est pas dupe du jeu, lui fait alors l’offre ironique de lui restituer tous les papiers saisis, à la seule, mais formelle condition qu’il les reconnaîtra comme appartenant à l’ambassade. S’il les reconnaît, c’est donc la signature donnée par lui aux complots qu’ils révèlent. S’il ne les reconnaît pas, c’est la publication, c’est-à-dire le scandale et le rappel.

Il se garde de paraître avoir perçu l’ironie. Mais il redouble d’instances pour reprendre les papiers. Sans doute le département d’Etat a-t-il entre temps aussi reconnu que la publication des papiers signifierait la guerre, et ne s’y trouve-t-il pas suffisamment préparé : il accorde un compromis. Il gardera les papiers, mais il ne les publiera qu’à son heure.

Lorsque enfin parait, le jour anniversaire du torpillage de la Lusitania, la note attendue, le désappointement dans toutes les sphères officielles et l’impression parmi le public sont tels que la partie cette fois parait perdue. Cependant l’ambassadeur se garde bien de le croire. D’abord, et une fois de plus, il tente de détourner et de fausser le courant de l’opinion. Il fait répandre dans la presse que le Président s’est montré satisfait de la note et que la rupture est maintenant évitée, alors qu’il sait pertinemment que c’est tout le contraire. A ses amis les journalistes il déclare imperturbablement que le Président est tout prêt à accepter la juste proposition allemande, et que l’Allemagne de son côté est très disposée à refréner la guerre sous-marine à la seule condition que l’Angleterre abolira le blocus. Au club, dans les salons, il annonce qu’un armistice sera infailliblement conclu au cours du prochain été, « les belligérants étant épuisés par la guerre. » Et au cours de cet armistice les conférences commenceront pour la paix. Partout, et dans le même moment que le Vatican, par l’intermédiaire de Mgr Bonzano, assure que l’Allemagne ne demande que la paix, lui, de son côté, ne parle que de paix. La réserve à laquelle il se heurte, pas plus que les sévères condamnations des complices de von Igel, ne l’arrête ni ne le décourage. Lorsque paraissent la réponse catégorique et l’ultimatum du Président qui n’accepte aucune condition et qui déclare la responsabilité de l’Allemagne « simple, non jointe, absolue et non relative, » il garde encore ou il renforce sa confiance. À ce moment en effet et tout comme