Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/917

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cependant un autre courant d’opinion commence maintenant à se manifester. L’Ouest et le Moyen-Ouest ne veulent pas de la guerre et le font bien paraître. Partout les pacifistes s’inquiètent. Si on ne le crie pas encore, on murmure déjà que le Président est trop obstiné et le gouvernement trop intransigeant. La presse Hearst se fait l’écho de cette inquiétude ; elle l’encourage, elle l’accroît, elle adjure les citoyens américains d’apercevoir les conséquences des paroles et des actes, de se méfier du jingoïsme et des glapissements des jingoes, surtout de se garder d’une trop grande hâte.

L’opinion moyenne, c’est-à-dire la majorité de l’opinion américaine, qui a été travaillée, depuis des mois, par la propagande du cinématographe, avec des films à colossal spectacle tels que The Fall of a Nation, ou bien, au théâtre, avec des pièces comme Under Fire, et autres œuvres qui montrent, détaillent, exagèrent, si possible, la barbarie honteuse, les tortures atroces de la guerre, sans jamais en présenter la contrepartie idéale, c’est-à-dire la nation luttant pour son existence et pour la conservation des principes qui font l’honneur de l’humanité, l’opinion américaine est maintenant hésitante. La réalité de la guerre qui, jusque-là, est restée, pour elle, lointaine et comme étrangère, se fait tout à coup présente, pressante, disons le mot, menaçante. Certes, il serait beau que l’Allemagne s’excusât, démentit le coulage, qu’elle s’inclinât enfin devant la volonté très nettement, trop nettement exprimée par le Président. Mais, « pour Dieu, restons en dehors des horreurs de la guerre ! »

C’est ce double sentiment que l’ancien et toujours populaire secrétaire d’État, M. W. J. Bryan, précise le jour suivant, 23 août, et auquel il donne l’apparence de la pondération, de la raison, en lui prêtant l’appui de sa grande renommée et l’autorité de sa voix.

Cependant, à l’ambassade d’Allemagne, toujours même silence. L’émotion du pays, et dans les deux sens, est maintenant au comble. L’horizon politique et le diplomatique n’ont jamais été plus sombres. Enfin, le 24 août, le département d’État reçoit le télégramme de l’ambassadeur allemand qui, parlant au nom de son gouvernement, déclare qu’ « aucune information parvenue jusque-là concernant le coulage de l’Arabic n’a de valeur sérieuse, » et exprime l’espoir que « le