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particulière ; le clergé d’Alsace et de Lorraine fut amené à y jouer un rôle des plus actifs, non seulement par ses exhortations au vote, mais encore en fournissant de nombreux candidats à la cause catholique et française. Deux évêques, cinq prêtres se proposèrent aux suffrages de leurs concitoyens.

Dans la circonscription de Metz, la candidature de Mgr Dupont des Loges sortit pour ainsi dire spontanément de la reconnaissance publique. L’évêque de Metz ne publia aucune profession de foi. Qu’en était-il besoin de la part de l’héroïque prélat ? Les souvenirs du siège étaient encore trop récens pour qu’on eût oublié sa conduite toute de charité et de dévouement ; et quant à ses idées, n’étaient-elles pas suffisamment manifestées par cette lettre pastorale, publiée au lendemain même de la guerre, au milieu des ruines et de la désolation, et qui avait alors non seulement en pays annexé, mais dans la France entière, suscité une si profonde émotion : «…Celui qui tient au ciel ne saurait se préoccuper des choses de la terre. Voilà ce que l’on dit contre nous !… Quoi ! nous avons été séparés violemment, par la rigueur des événemens, du pays qui nous a vus naître. Nous sommes devenus la rançon de la France, notre séparation douloureuse a délivré nos frères et notre sacrifice a été leur salut. C’est là notre sort. Nous le supportons avec la résignation qui honore le malheur et en demandant à la religion les forces qui manquent à la nature. Et nous pourrions entendre dire, sans que tout notre sang se soulève, que tout ce que nous donnons à Dieu et à l’espérance d’une vie meilleure nous l’enlevons à cet impérissable sentiment que nous gardons au fond de nos âmes ? Cette amertume manquait à notre Calvaire ![1] » Autour du nom unanimement respecté de Mgr Dupont des Loges, tous les partis s’étaient réunis, et c’est même sur l’initiative des plus avancés, dans le comité républicain, par un banquier israélite, M. Goudchaux (rentré plus tard en France et devenu sénateur de Seine-et-Oise), que la candidature du prélat fut pour la première fois mise en avant[2].

L’évêque de Strasbourg, Mgr Raess, accepta lui aussi la candidature pour la circonscription de Schlestadt : « pour ne pas paraître reculer devant l’accomplissement d’un devoir aussi difficile à son âge qu’il est impérieux dans la situation où

  1. Abbé Félix Klein, Mgr Dupont des Loges, 1 vol. 8°. Paris, 1899.
  2. Ibid.