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Moniteur Universel[1]. « Si bien, — dit un autre correspondant, celui de l’Univers, — que M. de Bismarck qui, le jour même des élections, badinait et buvait son verre de Champagne avec les chefs de bureau de son district électoral, est, depuis lors, morose et souffrant[2]. »

Pour l’Alsace et la Lorraine, ce n’est que le 1er février qu’eut lieu le scrutin. Là toutes les nuances politiques firent bloc autour de l’idée de protestation contre l’annexion. Dans tout le pays, ce fut un admirable mouvement d’union : « Les hommes qui ont adhéré à la candidature de M. Lauth à Strasbourg, — écrivait à ce propos le journal français le XIXe siècle, — appartiennent à toutes les professions, à toutes les classes de la société, à tous les partis politiques et religieux : catholiques, protestans, israélites, anciens royalistes et républicains se sont groupés autour de M. Lauth[3]. » M. Lauth était de religion protestante et d’opinions libérales ; dans la circonscription voisine, celle de Strasbourg-campagne, le candidat catholique et royaliste, le baron de Schauenbourg, s’exprimait de même dans sa profession de foi : « Catholiques, protestans, israélites, nos intérêts sont les mêmes, nous avons subi les mêmes souffrances, nous avons perdu la même patrie, nous portons les mêmes fardeaux[4]. » Un autre candidat, un libéral, M. Hœffely, disait aux électeurs de Mulhouse : « Il faut que notre revendication persiste calme, pacifique, mais résolue jusqu’au jour inévitable où l’Allemagne, étonnée elle-même d’avoir à ce point méconnu les principes du droit et de la civilisation moderne, nous rendra la justice qui nous est duo ![5]. »

Aux électeurs de Saverne, M. Edouard Teutsch, libéral, rappelait avec émotion la part qu’il avait prise, trois ans auparavant déjà, à la protestation de Bordeaux : « Il y aura bientôt trois ans, disait-il, que vous m’avez fait, avec tout le département du Bas-Rhin, l’insigne honneur de me déléguer à l’Assemblée nationale française pour protester contre le traité dont vous alliez être victimes. Les déclarations énergiques que vos députés ont faites à Bordeaux n’ont pu empêcher notre

  1. Moniteur Universel, 19 janvier 1874.
  2. L’Univers. Lundi 19 janvier 1874.
  3. Le XIXe Siècle. Jeudi 8 janvier 1874.
  4. Le Temps, mardi 27 janvier 1874.
  5. Le XIXe Siècle, 11 janvier.