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mesurer sa faiblesse et l’écrasante supériorité de l’adversaire, la petite garnison eut la prétention de s’opposer au passage de la Sarre par l’ennemi, sur le grand pont en pierre qui fait communiquer Sarrebrück avec son faubourg de Saint-Jean. Un violent combat fut livré ; puis, après la défaite de la garde nationale, la ville fut mise au pillage. Les vainqueurs nommèrent pour l’administrer des commissaires, en tête desquels figure Henri Böcking. Sarrebrück fut rudement punie de son zèle napoléonien et français : une énorme contribution de guerre lui fut infligée.

Lorsqu’on apprit que Napoléon était prisonnier des Anglais, le parti prussien, jusque-là timide, presque occulte, peu nombreux, leva la tête et s’agita au grand jour. Il se groupa autour de Böcking sur qui il fondait toutes ses espérances, en raison de ses relations personnelles avec Grüner et les généraux prussiens. Böcking sut habilement exploiter la surprise, le découragement de la population, la lassitude de la guerre.

Le 5 juillet 1815, Alopeus, gouverneur général de la Lorraine, déclara rompus les liens qui unissaient Sarrebrück à la France. Zimmermann fut nommé bourgmestre et Böcking premier adjoint. Le général russe fil offrir à ce dernier un fusil d’honneur en raison des services qu’il avait rendus aux armées alliées. Böcking exulte ; il entrevoit le triomphe ; mais il garde quelque inquiétude sur le sort de Sarrebrück. Il écrit à Gorres, le polémiste « gallophage, » pour réclamer son appui, lui affirmant qu’il a avec lui les neuf dixièmes de la population. Si l’on ne vient pas à nous promptement, lui mande-t-il, 20 000 Allemands seront sacrifiés : « les misérables triomphent déjà, parce que le châtiment a tardé jusqu’ici. Le Français, — et il désigne par-là les Sarrebruckois, — change d’attitude politique comme de vêtement. Ce n’est que dans sa haine de l’ennemi, c’est-à-dire des Allemands, qu’il reste constant. Les partisans des Bourbons prétendent déjà que la France ne doit subir aucune diminution de territoire, sinon la guerre recommencera et la victoire française est certaine. »

Ce fut alors que le chancelier d’Etat Hardenberg et le ministre Guillaume de Humboldt, se rendant à Paris pour les négociations, passèrent par Sarrebrück. Arrivés le 10 juillet, ils séjournèrent cinq jours à l’hôtel de la Poste. Böcking leur présenta le nouveau Conseil municipal. Celui-ci, formé à la