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Mauprat, elle veut subitement le reprendre. C’est Liszt qui a remis le manuscrit à F. Buloz de la part de George Sand ; on pense que cet envoi est bien accueilli ! surtout venant après les lettres à Marcie qu’elle publiait dans le Monde, ce qui avait irrité F. Buloz ; mais reprendre Mauprat ! Quand toute cette partie est composée, le roman annoncé, les épreuves en route… C’est la jeune Mme Buloz, cette fois, qui intervient, et avec succès. George Sand lui répond :

« 8 mars 1837[1].
« Chère Christine,

« Je vous remercie de me parler de vous et de votre bel enfant. Vous savez combien je prends d’intérêt à vos souffrances et à vos joies maternelles. Les souffrances ont cessé et les joies vont aller crescendo. Je ne vous plains donc pas. Je vous envie. Je voudrais tous les matins trouver un enfant sur mon oreiller. Je me plains du peu que j’en ai, mais malheureusement, j’ai oublié comment on les fait. Je suis vieille. Votre Buloz est une bête de s’imaginer que j’ai de l’amertume contre lui. C’est un excellent garçon pour qui j’aurai toujours de l’estime et de l’amitié. Mais il annonce mal et débite peu ma marchandise…

« Toute l’amitié du monde n’empêche [tas que cela me mette de fort méchante humeur, et j’ai un ton détestable. C’est ce qui le vexe, mais ce qui me console, c’est qu’il ne l’a pas meilleur. Quant à sa Revue, j’avoue que je ne l’aime plus. Il sait bien pourquoi, ce n’est pas ma faute, ni la sienne. Chacun voit, pense, et sent comme il peut, et comme il veut. Faut-il se brouiller pour cela ? Avec qui serait-on d’accord en ce monde ? Je lui donne Mauprat[2], de quoi se plaint-il ? Je ne vais pas aussi vite que je voudrais. D’une part, mon fils toujours malade m’absorbe, de l’autre j’ai mal au foie. Pourtant, je ne m’arrête pas. J’avais envie de faire deux volumes. En véritable épicier, il s’y oppose. En véritable garde-nationale, je me soumets. À qui diable en a-t-il ?

« Les deux parties de Mauprat se succéderont dans la Revue sans interruptions, — que puis-je faire de plus ? veut-il que

  1. Suscription : À Madame F. Buloz, 10, rue des Beaux-Arts, Paris.
  2. Il se plaignait qu’elle voulût le lui reprendre et, après, qu’elle n’en envoyât pas la suite.