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mon avis… Si après l’explication que je vais lui demander il croit devoir se retirer de votre journal, je m’en retirerai également, à la grande joie de vos amis, et à ma grande satisfaction, et à mon grand profit. » Il y en a comme cela cinq pages — et qu’a-t-elle ? On lui a rapporté que F. Buloz disait d’elle qu’elle « était enterrée, » qu’elle n’avait plus de talent, depuis que Planche lui avait retiré sa protection, etc… Il est peu probable que le directeur de la Revue, toute affection mise : i part, eût ainsi fait valoir son rédacteur préféré : mais quand ce rédacteur est déchaîné, il ne se connaît plus. Heureusement ces emportements durent peu. Quelques jours avant la lettre que je viens de citer, George Sand écrivait celle-ci :

« Noble et grand directeur des Deux Mondes, je suis arrivée, je vous prie de venir me voir, afin que je me prosterne devant votre éclat et que je vous demande des billets de spectacle, pour le théâtre que vous voudrez ce soir.

« J’irai demander à Mme Buloz un peu de bienveillance ; mais j’irai en personne, et dès que je serai un peu débêtisée du voyage.

« Tout à vous,

« GEORGE. »


Il avait suffi d’un racontar que de bons amis lui avaient transmis, et la voilà injuste, blessante, terrible. F. Buloz en arrive à lui proposer la résiliation de leurs traités (en janvier) et il lui écrit très nettement :

« Je ne veux pas avoir de procès avec vous. Vous changez si souvent d’idées, que je crains de me voir forcé de défendre mes intérêts sur un terrain qui n’est pas de mon goût.

« Quand vous voudrez écrire pour la Revue, vous serez toujours reçue à bras ouverts. Mais je ne ferai rien pour gêner votre liberté ; il m’en coule de vous écrire en ces termes, mais vous m’y forcez en me menaçant en quelque sorte d’une ruine. J’espère que vous n’avez pas réfléchi à la portée de votre lettre qui m’a été fort pénible[1]. »

Mais ces nuages se dissipent bientôt, quand George envoie Mauprat à la Revue ; puis ils renaissent, car, après avoir envoyé

  1. Elle le menaçait, ayant besoin de 2 000 francs immédiatement, de publier autre part le 3e volume de Lélia, 24 janvier 1837, inédite. Collection S. de Lovenjoul.