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De ce voyage en Suisse que fait George en 1836, est née une des plus belles Lettres d’un voyageur, celle qui est dédiée à Charles Didier. Elle parut en novembre la même année.

De retour à Nohant, après ce voyage, George reprend sa vie, c’est-à-dire son travail la nuit, ses promenades à pied dans la Vallée noire le jour, et bientôt la maison est pleine de tous les Berrichons qu’elle aime.

Je pense que la lettre suivante a été écrite à l’époque de cette rentrée à Nohant, en automne, elle n’est pas datée de la main de George, mais de celle F. de Buloz, et seulement : 1836.


« Mon cher Buloz,

« La présente est pour vous dire que je me porte bien, et que je désire que la présente vous trouve de même. Le pain coûte fort cher, le vin de même, tant qu’à la viande elle est orre de prix. Je ne vous parle point du fromage, je n’en mange pas.

« Vous comprenez la conséquence de cette lettre.

« Salut !

« GEORGE.

« Je baise la main de Margarita. »

Bien que George Sand ait dit : « Je n’ai pas d’esprit… » et « je suis bête à couper au couteau, » certaines de ses lettres sont d’une fantaisie fort amusante ; et puis elle dit tout, et souvent le plus drôlement du monde. Depuis l’heureuse issue de son procès, l’écrivain ne se trouve plus devant ces terribles difficultés d’argent que, jadis, elle a trop connues, elle se vantera même alors dans ses lettres au directeur de la Revue de n’avoir « plus besoin de ses services ; » pourtant, elle a quelquefois encore des échéances cruelles, — et ses lettres alors deviennent pressantes, mais elles sont souvent aussi enjouées, car elle ne s’affole plus devant la liste de ses dettes, comme naguère…

La photographie de la lettre suivante est actuellement au Musée S. de Lovenjoul.


MONSIEUR BULOZ, rentier et propriétaire.

10, rue des Beaux-Arts. « Buloz ! — hein ? — Buloz ! — hein ? — Sacré Buloz ! — Quoi ? — de l’argent ? — Je n’entends pas. — Cinq cents francs ! — Qu’est-ce que vous dites ? — Que le diable vous emporte ! Vous m’avez promis six mille francs dans quelques