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« La comédie d’Alfred est très jolie[1]. Il y a certainement progrès comme plastique et comme clarté dans ce qu’il fait à présent. Mon procès sera plaidé et rejugé dans le courant du mois. Je suis toujours à la Châtre où je travaille et où je souffre du foie[2]… »

A cela Buloz répond :


8 juillet 1836.

« Votre lettre m’a attristé, mon cher George. Quoi ! vous exaltez ce que vous, avec vos sentiments de démocratie, devriez le plus flétrir, c’est-à-dire des crimes inutiles ! Car, qui retarde l’avènement de cette démocratie, si ce n’est les fous furieux ? Croyez-vous que nous ne serions pas plus avancés sans toutes les folies que le républicanisme a faites depuis 1830 ? A quoi servent les Fieschi, les Alibaud, si ce n’est à effrayer le pays, et à donner plus de force au pouvoir ? Croyez-vous que toutes ces tentatives d’assassinat ne peuvent pas conduire le gouvernement à des empiétements ? Qui nous a valu les lois de septembre, si ce n’est la machine de Fieschi ?

« Pensez-vous que la France ferait grand crime à Louis-Philippe de s’entourer d’une garde royale et de tous les apparats d’une royauté presque absolue dans le but de se préserver des assassins, et n’est-ce pas retenir le pouvoir sur cette pente, que de flétrir ces assassinats périodiques, dont les résultats ne seraient fatals qu’à la démocratie ? Nous sommes et nous serons toujours aussi démocrates que qui que ce soit, mais nous différens sur les moyens d’amener la démocratie au pouvoir.

« Ma femme vous embrasse ; comme je vous le disais, elle est enceinte[3]. »

Voici la réplique de George Sand à F. Buloz :

« Je vous ai dit que je vous laissais la théorie du système en général. Proscrivez l’assassinat politique, si cela vous plaît et si vous aimez les rois. Peu m’importe. Mais vous ne deviez pas toucher à la personne sacrée d’Alibaud. Vous ne deviez pas répéter les calomnies infâmes que le gouvernement faisait publier contre lui. Vous ne deviez pas dire que cet homme était vicieux, débauché, stupide et fou. Ce qu’il y a de pire au monde,

  1. Il ne faut jurer de rien.
  2. Inédite.
  3. Collection de Lovenjoul, inédite.