Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/825

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et enfin ceci : « Il serait peut-être plus héroïque, à qui n’a pas eu le bon lot, de ne pas scandaliser le monde avec son malheur, en faisant d’un cas privé une question sociale. »

Cette apostrophe déplaît à George, elle la reproche au directeur de la Revue : elle y répondra ; « Il ne s’agit pas ici d’amour-propre : M. Nisard m’accable de compliments, qui satisferaient amplement mon appétit si j’étais affamée. Il s’agit de ne pas me démolir dans l’esprit de mes juges, sous un rapport plus sérieux… » Elle lui envoie donc une réponse « sous forme de lettre » à insérer au plus tôt dans la Revue de Paris. Ce souci de ses juges, qu’elle-même juge si sévèrement, est assez logique à l’heure qu’elle traverse ; elle ne veut pas avoir une étiquette d’immoralité ; elle y veille, et c’est je pense la première fois :

Autre chose la préoccupe :

« Je vous conjure de ne pas soumettre mes manuscrits à la censure de Sainte-Beuve, et des 47 autres directeurs en chef de vos revues. Vous avez sur eux tous, entre autres avantages, celui de connaître votre langue. Corrigez-moi donc en personne, et ne me soumettez pas à la férule de tous vos pédants. Je suis en train de faire d’importantes corrections à Lélia. Je bouleverse tout le personnage de Trenmor, et je transporte la réhabilitation, non pas morale, mais poétique du joueur dans la bouche de Leone Léo ni : ce passage était assez purement écrit, j’eusse été fâchée de le perdre, et je crois qu’il est maintenant tout à fait en sa place, et sans inconvénient, puisqu’il est dans la bouche d’un personnage éprouvé. Leoni est donc prêt[1]. Je l’ai relu avec attention et conscience. Je n’y ai rien trouvé d’immoral. Le grand défaut c’est l’invraisemblance des événements. Mais pourvu que les caractères soient vrais, la folie des incidents est un droit du romancier, et de plus forts que moi ne s’en sont pas fait faute[2]… »

La réponse à M. Nisard parut dans la Revue de Paris ; à la veille de l’affaire Dudevant, elle ne pouvait qu’être favorable à George ; V. Buloz le voit nettement, car c’est sa propre cause que l’écrivain plaide devant M. Nisard, avec l’éloquence que l’on sait.

F. Buloz écrivait le 29 mai :

  1. Pour la publication en volume chez Bonnaire.
  2. Inédite.