Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/824

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laisserai pas en arrière. Je suis en train de faire Meyerbeer[1]. Je l’écris dans un petit jardin tout rempli de lilas et de tulipes. J’espère que mon style sera fleuri. Mauprat viendra ensuite, si le jeune Buloz y tient.

« Mais dans peu de temps nous nous verrons à cet effet, faites-lui commencer seulement l’édition complète. Il me donne des raisons dilatoires qui n’ont pas le sens commun…

« Bonsoir, ma belle petite dame. Donnez-moi de vos nouvelles de temps en temps. Je vous embrasse, si vous le permettez, et si vous voulez bien m’aimer un peu.

« Tout à vous.

« GEORGE. »


« 14 mai 1836. »

Donc voici le procès Dudevant contre Dudevant plaidé, et gagné par G. Sand en première instance, M. Dudevant fera sans doute appel ? George Sand est toujours campée chez ses amis à la Châtre, pendant que le mari, lui, est logé à Nohant, chez elle. Mais elle ne se plaint pas et écrit :

« Couchée sur une terrasse, dans un site délicieux, je regarde les hirondelles voler, le soleil se coucher, se barbouiller le nez de nuages, les hannetons donner de la tête contre les branches, et je ne pense à rien du tout, sinon qu’il fait beau, et que nous sommes au mois de mai. »

Elle plaidera le 25 juillet seulement « en Cour royale. » « Il faut disputer pied à pied un coin de terre… coin précieux, terre sacrée, où les os de mes parents reposent sous les fleurs que ma main sema, et que mes pleurs arrosèrent. »

En attendant la plaidoirie nouvelle, et le jugement définitif, elle est un peu maltraitée de temps en temps par l’opinion, et encore par la presse, — par la petite presse, — surtout celle de Bourges ! Quelle copie pour la presse de Bourges ! A celle-ci elle ne répond pas, ou peu, mais voici que M. Nisard lui fait de la morale[2], et l’accuse, ayant eu une mauvaise expérience matrimoniale, d’en vouloir dégoûter les autres, de faire dans ses romans « l’apologie de l’adultère ! » Voilà le grand mot lâché : Il dit « l’amant est le roi de vos livres ! »

  1. Lettres d’un voyageur. La Musique, Les Huguenots, à M. Giacomo Meyerbeer, 15 novembre 1836.
  2. Dans la Revue de Paris.