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peuvent être évalués à une trentaine de milliards. On voit que la matière imposable est trois fois plus considérable dans le second cas que dans le premier. De l’examen même des conditions sociales, il ressort avec évidence qu’une foule de gens ont des revenus, sans posséder aucun capital au sens courant du mot. Ils échapperaient donc à l’impôt qui prendrait ce dernier comme base.

Résumons-nous. Dans la complexité de l’organisation moderne, l’évaluation de beaucoup de capitaux est très difficile, souvent impossible. Ceux-là même qui semblent le plus aisés à supputer présentent des incertitudes. Que l’on songe aux écarts entre les valeurs assignées par le fisc aux immeubles en cas de mutation et celles que déclarent les propriétaires. Et cependant, quel est le capital qui, à première vue, paraît plus stable qu’une maison ou un champ ? Quant aux fortunes mobilières, il est superflu d’insister sur l’énormité des fluctuations auxquelles elles sont soumises. Comme le dit Leroy-Beaulieu, les revenus fournissent la matière contributive universelle, large, accessible, tandis que l’impôt sur le capital constitue une base étroite, fuyante, et qui laisse en dehors d’elle de nombreux citoyens. Toutes les raisons théoriques et pratiques se réunissent pour le condamner. Nous espérons que le bon sens de nos législateurs nous épargnera une expérience, qui présenterait le double danger de ne fournir au budget que des rentrées bien inférieures à ce que l’on imagine et de tarir dans leur source les éléments de la prospérité nationale.


RAPHAËL-GEORGES LÉVY.