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venons de citer, alors même qu’il n’y aurait eu que trois mutations en un siècle, ce qui correspond à la moyenne actuelle de la vie humaine en France, le Trésor, ayant perçu trois fois 36 pour 100, aurait dévoré la majeure partie de la fortune initiale.

L’impôt sur l’enrichissement, qui est appliqué par les Allemands, présente infiniment plus d’inconvénients que d’avantages. Il a été institué chez nos ennemis par la loi du 3 juillet 1913 et s’élève, par degrés, de 0,75 à 1,50 pour 100. Une surtaxe, allant, de 1 /10e à 1 pour 100, frappe les patrimoines supérieurs à 100 000 marcs. Le taux maximum est donc de 2 et demi pour 100. A cet impôt, établi sur des bases modérées, la loi impériale du 21 juin 1916[1] a ajouté une surtaxe de guerre ; celle-ci atteint tous les patrimoines qui, au 31 décembre 1916, présentaient un accroissement par rapport au 31 décembre 1913 et même ceux qui, dans cet intervalle, n’avaient pas subi une diminution de plus de 10 pour 100. Le point de départ est l’évaluation qui avait été faite pour l’assiette de la contribution d’armement de 1913.

L’impôt sur l’enrichissement décourage les efforts et l’esprit d’économie. A quoi bon épargner, si le fisc doit prélever une part qui est destinée sans doute à devenir celle du lion ? Nos législateurs commenceraient sans doute, comme ils l’avaient fait pour l’impôt global sur le revenu, par instituer un taux modéré. On a vu avec quelle rapidité vertigineuse, en deux ans, ils ont décuplé l’impôt sur le revenu. Ils agiraient évidemment de même avec la taxe sur l’enrichissement ; elle détruirait une proportion croissante des capitaux ajoutés à leur patrimoine par les pères de famille travailleurs, sobres, prévoyants, qui se refusent à dépenser la totalité de leurs revenus, afin de parer aux mauvais jours et de développer les entreprises auxquelles ils participent. Le premier effet de la législation dont on nous menace serait de ralentir ou même d’arrêter cette formation de capitaux nouveaux, qui est indispensable au relèvement de la France.

Au point de vue de l’application, il entraînerait des difficultés extrêmes et créerait un état d’hostilité permanent entre le fisc et les contribuables. Si l’assiette de l’impôt sur le revenu

  1. Voir notre article sur les Finances de l’Allemagne, dans la Revue du 15 juin 1917.