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la plus faible partie du revenu national, celle que nous pouvons déterminer d’après d’autres données. N’est-il pas étrange d’ailleurs d’établir un impôt pour faire de la statistique ? On nous assuré qu’il nous aidera à élaborer « le grand programme de production qui est pour la France d’une nécessité absolue. » Nous affirmons que les capitaux nécessaires à la production s’offriront avec d’autant plus d’empressement et d’abondance qu’on les persécutera moins.

L’impôt proposé est qualifié, par ses parrains, de droit d’enregistrement : il serait établi sur la valeur en capital des biens meubles et immeubles. Seraient redevables de l’impôt toutes les personnes, de nationalité française ou étrangère, dont les biens meubles et immeubles sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit en vertu des lois existantes. Le total de ces biens constituerait la matière imposable : il serait fixé par la valeur vénale ou, quand il serait impossible de l’établir, suivant les règles usitées en matière de droits de mutation à titre gratuit. On connaît, soit dit en passant, les pratiques fiscales à cet égard : elles sont souvent empreintes d’une injustice criante vis-à-vis des contribuables.

Le tarif proposé est un des plus formidablement progressifs qui se puissent concevoir. Partant d’un taux modéré de 20 francs pour 100 000 francs, il s’élève à 1 525 francs pour une fortune d’un million et s’accroît alors de 5 centimes par 100 francs pour chaque tranche successive de 500 000 francs, de telle sorte qu’une fortune de dix millions paierait 62 325 francs et une fortune de vingt millions 204 025 francs. Observons qu’il s’agit d’une taxe annuelle, et essayons de nous rendre compte de la charge que cela représenterait. Rappelons d’abord que l’impôt frapperait le capital improductif aussi bien que le capital productif, que par conséquent les immeubles de plaisance, le mobilier, les livres, les tableaux, les bijoux, les vêtemens même devraient figurer dans l’inventaire qui servirait de base à l’évaluation de la matière imposable. Est-il exagéré de considérer que cette portion de la fortune en représente aisément le quart ? Ne mettons qu’un cinquième. A celui qui possède un million, il restera donc 800 000 francs productifs d’intérêts. Supposons-les placés à 5 pour 100. Les impôts cédulaire et global sur le revenu ramènent ce taux à un maximum de 4 pour 100, plus vraisemblablement à 3 et demi. Admettons