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l’impôt convertiront une partie de leur fortune en capitaux improductifs. Nous ne sachons pas que ce procédé ait chance de se généraliser : la plupart des hommes ont besoin de leur revenu pour vivre, et recherchent les occasions de l’augmenter plutôt que celles de l’amoindrir. Que si des particuliers consacrent certaines sommes à l’acquisition d’objets d’art ou de bijoux, ils paieront tout d’abord l’impôt nouveau du dixième qui frappe les achats d’articles de luxe. La catégorie en est d’ailleurs peu nombreuse, et le chiffre des placements de cet ordre est faible en comparaison du capital productif de la nation. Personne ne contestera, au surplus, qu’il est bon que certains membres d’une communauté soient capables de faire des dépenses qui ont pour effet d’encourager la production artistique. N’oublions pas que les locaux d’habitation servant à l’usage du propriétaire, parcs d’agrément, châteaux, villas, bien qu’étant pour leurs possesseurs une source de dépenses et non pas de recettes, sont considérés par le fisc comme produisant une rente et grossissent par conséquent la somme qu’atteint l’impôt sur le revenu.

Il a été récemment question en Angleterre de la taxation du capital. Le 29 janvier 1918, à la Chambre des Communes, M. Bonar Law, chancelier de l’Échiquier, a déclaré qu’il envisageait la question comme étant de l’ordre platonique. M. Asquith, de son côté, considère comme insurmontables les difficultés qu’il y aurait à établir une taxe de ce genre.

Chez nous, le 28 février 1918, M. Albert Métin et un certain nombre de députés, ses collègues, ont présenté une proposition de loi tendant à l’institution d’un « impôt sur la richesse acquise, complémentaire à l’impôt sur le revenu, avec exemption à la base et déduction pour charges de famille. » L’exposé des motifs exprime le regret des auteurs de la proposition qu’elle n’ait pas été votée avant la guerre : ils invoquent, comme on le fait trop souvent en matière fiscale, l’exemple de l’Empire allemand. Celui-ci avait demandé en 1913 un milliard de marks environ, une fois payés, à une taxe sur la fortune.

M. Métin déclare que « nous ne connaissons pas le capital de la France, pas plus que nous ne connaissions son revenu avant l’impôt global. » Nous croyons que, même aujourd’hui, nous continuons à ignorer ce revenu. Aussi longtemps que l’impôt n’atteindra pas la majorité des salariés, il ne nous révélera que