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qui tient devant le danger, mais celui du chef qui le dévisage et le nie. Il a l’élan et le feu, avec des reprises où se révèle, sous l’exaltation qui s’emporte, la main froide du maître intérieur. Et il possède l’assurance, qui répand l’idée d’un invulnérable destin.

Son rôle, pourtant, n’est pas de marcher à la tête des charges, mais de relever les blessés et les courages, d’assister ceux qui souffrent et défaillent, et surtout de faire, sur les corps mourants, la glorieuse moisson des âmes.

Penché sur ceux qui s’alanguissent, il adoucit leurs dernières minutes et ennoblit leurs dernières pensées, car sa piété sait toujours rester haute : il élève à lui ce qu’il glane. Témoin parfois de ces instants tout encensés de sa ferveur religieuse, vibrants de l’enthousiasme qu’insufflait la bataille dans son âme retentissante, j’enviai la hardiesse d’une éloquence qui ose prendre pour auditoire un homme déjà gagné par les avances de la mort.

Si l’abbé David doit aux blessés ses plus ferventes communions, il est, parmi les valides, un apôtre, parmi les soldats un prédicateur de croisades. Il sait grandir les cœurs, affiner le sens du devoir, réveiller les sources du dévouement. L’amour de la toute-puissance, ordonnatrice des hiérarchies, dispensatrice des grandeurs et des châtiments, le conduit.

Devant les ennemis de la foi, lui qui tient d’elle sa fière armure, ne peut passer indifférent. Son devoir de prêtre est de les confondre, et son instinct d’homme de les frapper. Avec quelle violence mûrie sous la mansuétude rituelle le sent-on frémir à ces contacts ! Un justicier se révèle en lui. Ici les élus, là les réprouvés, le glaive spirituel les sépare ; et, s’il en est qui tentent de se tenir au milieu, des indécis, des choisissants, il les fustige du plat de sa lame.

A son geste brillant d’une enviable férocité, qu’ils paraissent vils, ces tièdes ! Je méprise leur équilibre hésitant, j’ai honte pour eux de leur patiente exactitude, auprès de l’assurance vraiment divine qui, sans s’attarder aux mérites et aux fautes, — ces apparences, — à l’incertain des intentions ou raisons, fonce droit vers la décision qu’elle légitime de sa fougue !

L’abbé David est, dans toute la force du terme, un dogmatique, dont les vertus découlent d’une source unique, mais torrentielle. Vingt siècles de foi française agissent, prouvent,