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DANS LES FLANDRES
1914-1915
NOTES D’UN COMBATTANT


Octobre 1914


REFLUX

Les signes pesaient de plus en plus néfastes sur la douce ville, avec le déclin du jour, ce soir-là. Dixmude, au milieu du troisième mois de guerre, était encore incertaine de son sort, dont anxieuse elle guettait les indices.

Incessamment des soldats débandés arrivaient de l’Est, hésitants dans leurs pas et vagues dans leurs réponses. L’armée du duc de Wurtemberg, que la chute d’Anvers rendait libre, avançait à grandes étapes vers Calais, refoulant d’une poussée brutale les débris des troupes belges. Sur les longues routes aux peupliers infléchis par les vents, on voyait fuir les paysans chargés de bardes ou traînant des charrettes, courbés, sous la mauvaise hâte.

La veille, pourtant, un souffle d’espoir s’était levé. Des officiers d’état-major avaient poussé des reconnaissances jusqu’aux avant-postes, déployant des cartes au soleil réapparu d’automne, lançant à grands gestes des colonnes offensives à travers le pays, projetant d’amples mouvements stratégiques. Précédées d’orienteurs au galop sur le pavage sonore, des batteries attelées de hauts percherons noueux avaient défilé vivement sur la place de l’Église où les goumiers marocains,