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Tchèques n’ont pas le cœur timide ! la preuve en est que la plupart d’entre eux, une fois arrivés sous les drapeaux ennemis, luttent comme des lions. S’ils se sont rendus aux Russes, ce n’est donc pas parce qu’ils ne voulaient pas se battre, mais parce qu’ils ne voulaient pas se battre pour des Allemands contre des Slaves. La désillusion, pour les dirigeants austro-hongrois, n’en a été que plus amère : ces Tchèques, en qui les qualités de race laissaient prévoir de si bons soldats, leur faisaient défaut au moment critique, et ne retrouvaient leur vigueur que pour se retourner contre l’Autriche ! Ce ne serait pas trop simplifier l’histoire militaire de la Double Monarchie depuis trois ans et demi que de la résumer en deux faits, également désagréables pour l’amour-propre de l’état-major impérial et royal : les revers de l’Autriche sont presque tous dus à la défection de ses troupes slaves, ses succès à la collaboration des Allemands de l’Empire. Et comme, pour venir en aide à leurs alliés, les Allemands ont été obligés de prélever des troupes sur d’autres fronts, il se trouve finalement que la « trahison » des Tchèques a servi la France et l’Angleterre, aussi bien que la Russie et la Serbie.


V

Ce n’est pas seulement le « matériel humain » de l’Autriche, — pour emprunter à nos ennemis leur habituelle et brutale expression, — qui a souffert du mauvais vouloir des Tchécoslovaques. Dans l’ordre financier, économique, politique, ils n’ont pas moins savamment travaillé à empêcher la vieille machine austro-hongroise d’aller son train normal.

L’état des finances autrichiennes, qui n’était ni très clair ni très florissant en temps de paix, l’est encore bien moins depuis la guerre. Pour peu qu’on jette un coup d’œil sur le tableau du change dans les pays neutres, on voit que le sort de la couronne est plus lamentable que celui même du mark : là où l’un dégringole, l’autre s’effondre. Quelle part les Tchèques ont-ils dans cette débâcle ? Là-dessus, les journaux officieux de Vienne ont deux opinions de rechange. Quand ils veulent persuader à l’univers que les peuples de la Monarchie sont les plus heureux du monde aussi bien que les plus dociles, ils affectent de s’extasier sur le loyalisme financier des Slaves, sur leur