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orgueilleux ; sous prétexte d’admiration mutuelle, ils se jouent l’un à l’autre une comédie qui veut être héroïque et qui n’est que lamentable ; et quand, après des semaines de froide cruauté et d’angoissants espoirs, ils se révèlent tels qu’ils sont et souhaitent de s’aimer simplement, leurs âmes exaspérées ne peuvent renoncer à leur douloureuse chimère, et leur premier baiser d’amour est un baiser d’agonisants (l’Amour brode, la Danse devant le miroir). — Pour expier un homicide involontaire, un jeune aristocrate jure de se consacrer au service de la classe ouvrière. Il tient parole magnifiquement ; mais une double constatation l’atterre : par son apostolat, il sert peut-être la cause du peuple, mais la sienne propre mieux encore, puisque à ses pieds d’apôtre en habit noir accourent la gloire et l’amour. D’autre part, il sent en lui-même une irréductible contradiction. Son serment l’oblige à prendre parti pour l’ouvrier contre le patron ; mais son cœur ni son esprit ne suivent sa volonté loyale. Son ascendance féodale lui fait une âme de chef ; épris de modernité, il découvre la beauté féconde de l’industrie mangeuse d’hommes, le mérite et l’utilité sociale du grand patron qu’on appelle l’exploiteur. Alors son âme est déchirée. Vainement, il tente, à force de franchise courageuse et de charitables sacrifices, de résoudre la contradiction de sa vie. Il déçoit, il exaspère ceux qu’il prétend servir, et bientôt tombe sous leurs coups (le Repas du lion). — Un grand médecin, dévot de la Science et de l’Humanité, a cru pouvoir, pour servir l’une et l’autre, tenter des expériences de laboratoire sur des malades qu’il savait condamnés. Tout s’est d’abord passé dans l’ordre. Mais un accident se produit : la guérison miraculeuse, imprévue du moins et incompréhensible, d’une petite tuberculeuse ; et cette guérison fait de Donnat un assassin puisque, par son fait, Antoinette Milat, devenue cancéreuse, va mourir lentement de la mort la plus atroce. Il se punit aussitôt par une abdication complète et en s’inoculant à lui-même le virus meurtrier. Mais son âme, fière et désespérée, se refuse à la mort définitive, et son effort suprême tend à résoudre la contradiction de son esprit qui nie Dieu et de son cœur qui a besoin de l’Infini (la Nouvelle Idole). — Un soldat magnifique, un explorateur admirable, sombre par orgueil dans la révolte sacrilège. Après des aventures extravagantes et pitoyables, il revient en France, dans sa propre famille, bardé de cynisme, mais, au fond,