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à leurs ouvriers d’art, à leurs armateurs, à leurs agriculteurs, certaines conditions de renouveau flamand, qui mêleront plus intimement les énergies flamandes à la vie profonde de la collectivité belge[1].

Voyez-les, en une nuit de Noël, Belges de Flandre et Belges de Wallonie, s’entr’aimer au fond de leurs tranchées, dans l’émouvant dialogue que le poète Louis Piérard intitule : A la gloire du Piotte. « A la vie, à la mort ! » termine le Flamand. « Avec toi j’ai souffert, » répond le Wallon. Écoutez M. Marcel Wyseur nous dire, dans la Flandre rouge[2], comment « s’obstine » le coq des Flandres, et comment il chante encore, et l’auteur des Rafales[3], M. Maurice Gauchez, bafouer les fils de fer barbelés par-dessus lesquels Flandre et Wallonie s’étreignent victorieusement. Il gémit en les contemplant :

La Flandre des cités, la douce Wallonie,
En aurez-vous connu, des râles d’agonie ?


Mais il sait bien, le beau poète-soldat, que les agonies acceptées, — acceptées pour revivre, — ont déjà la vertu d’une résurrection. D’avoir en même temps agonisé, sous le joug de l’ennemi qui les tenait séparées l’une de l’autre, et qui leur disait : « Vous ne serez plus unies, » c’est une impression que Flandre et Wallonie n’oublieront pas, et dont le souvenir, plus tard, régnera sur leur glorieux ménage. Se rappelant le temps où elles s’apitoyaient l’une sur l’autre et ne pouvaient se le dire, parce qu’entre elles deux l’Allemand se dressait, elles aimeront un jour s’aimer en se le disant ; et dans le renouveau de leur triomphante union, il entrera de la tendresse, cependant qu’à Bruxelles, sur la place de l’Hôtel-de-Ville, le phénix d’or qui s’envole du milieu des flammes paraîtra symboliser l’unité belge elle-même par cette devise d’allégresse et d’espoir : Insignior resurgo.


GEORGES GOYAU.

  1. Léo van Puyvelde, L’orientation nouvelle du mouvement flamand (Amsterdam, van Kamper, 1917). Kervyn de Lettenhove, Revue belge, 15 avril 1918.
  2. Paris, Perrin, 1917.
  3. Paris, Figuière, 1918.