sur lesquelles reposait la vie intérieure des provinces belges. De quelques traits de plume, il veut transformer leur physionomie politique ; et son intolérance de philosophe couronné, visant l’Eglise, veut aussi transformer les âmes. Il n’y avait pas, la veille encore, de pays plus pacifique et d’un gouvernement plus facile : le ministre Kaunitz, le gouverneur Charles de Lorraine, avaient jadis informé Marie-Thérèse qu’« avec de la douceur et la moindre bonté on ferait de ces Belges ce qu’on voudrait, » et que par surcroit leurs lois civiles étaient si bonnes, qu’il était « assez rare qu’on fût obligé d’introduire une loi tout à fait nouvelle. » Pas besoin, donc, d’un législateur bien remuant, d’autant que ces divers pays, — Vienne le savait par Charles de Lorraine, — étaient attachés « jusqu’à la folie » à leurs traditions et privilèges, qu’ils en avaient « le préjugé, » et qu’il était « fort dangereux de toucher cette corde, puisque tous les souverains les leur avaient non seulement confirmés, mais jurés[1]. » Et voici qu’avec Joseph II survenait un touche-à-tout, qui voulait faire table rase du passé ; et son exécuteur des hautes œuvres, Alton, une façon de duc d’Albe au service du philosophisme, professait que « plus ou moins de sang ne devait pas être mis en ligne de compte. » Alors, comme un seul homme, toute la Belgique se leva. « Fidélité à la foi religieuse, sens de l’association, amour de la liberté et des institutions communales, telle était la vérité propre de ce peuple[2] : » il la sentait piétinée, bafouée ; il s’insurgeait. Une commune passion de l’indépendance nationale rapprocha les statistes, qu’enrôlait Van der Noot pour la défense des traditions violées, et les vonckistes, plus démocrates d’allure : les premiers tenaient aux « libertés ; » les seconds, gagnés par l’air de France, rêvaient et parlaient de « la Liberté. » Tous ensemble, ils voulaient être de libres Belges, dans la « république des États Belgiques unis. »
Elle dura l’espace d’une année, mais Léopold II ne put reprendre pied en Belgique qu’en libérant les Belges des réformes de Joseph II ; et si la révolution brabançonne n’avait pu rendre la collectivité belge définitivement maîtresse d’elle-même, du moins avait-elle vengé les vieilles libertés