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aux charges de l’Empire ; qui plus est, elles ne voudraient permettre qu’en votre nom j’y contribuasse. » Marie de Hongrie, qui fut ensuite régente, consultait autour d’elle, et concluait que c’était « sans le su » des provinces, et sans leur consentement, que Maximilien avait inventé ce cercle ; on ne pouvait, d’après elle, allier les Pays-Pays avec l’Empire, qu’en évitant de « porter atteinte aux privilèges, libertés et droits dont ils avaient de tout temps joui et usé[1]. »

A l’issue de ces pourparlers, où l’on voit les gouvernants de la Belgique, conquis en quelque mesure par le « sens du pays, » ne point permettre qu’il périclite, la transaction d’Augsbourg, de 1548, confirme aux Pays-Bas, tout en les associant aux charges militaires de l’Empire, qui de son côté les doit protéger, leur caractère d’États indépendants et libres, soustraits aux lois et juridictions impériales : États indépendants les uns à l’endroit des autres, et qui tout en même temps n’en faisaient qu’un, et ne pouvaient plus être séparés, — « masse indivisible et impartageable, » déclarait Charles-Quint dans la Pragmatique de 1549. Au sein de cette masse, les chartes territoriales, garantes en chaque province des vieilles libertés, continuaient de s’appliquer : « Les gens de ces pays, déclarait l’Anglais Wingfield, semblent être plutôt des lords que des sujets[2]. » Ils gardaient conscience de leurs franchises locales et prenaient de plus en plus conscience de former tous ensemble une « patrie » : ce mot de patrie, au milieu du XVIe siècle, fait dans les documents belges de fréquentes apparitions ; l’on dirait qu’en se répétant avec instance il veut se gonfler de tout son sens, et achever de créer le fait même qu’il affirme.


IV

Un jour de 1555, la Belgique apprit que Charles-Quint secouait de ses épaules l’éclat de sa pourpre et le poids du monde, et qu’à l’avenir, sans d’ailleurs qu’elle fût unie à la terre espagnole, Philippe II serait personnellement son souverain. Et l’on sentit s’éveiller une angoisse belge. Un Philippe de Clèves, sire de Ravestein, au temps de Maximilien, un Guillaume de Croy, seigneur de Chièvres, au début de

  1. Nothomb, la Barrière belge, p. 28-39 (Paris, Perrin, 1916).
  2. Pirenne, Histoire de Belgique, III, p. 167.