Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/517

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Flandre, qui n’étaient que les fourriers de l’ennemi. Tout ce qui comptait en Flandre parlait d’union avec les Wallons ; et pour propager l’évangile séparatiste de l’Allemagne, il ne se trouvait qu’une poignée d’ « irréguliers, véritables bachibouzouks du flamingantisme[1] » déjà dénoncés comme un péril, dès 1911, par le tribun catholique Godefroid Kurth, chaleureux défenseur de la cause flamande. L’Allemagne, toujours à l’affût de ce qui est morbide, les avait enrôlés ; mais ils demeuraient seuls, avec leur honte, à la suite de l’Allemagne.

Car la Flandre savait à quoi s’en tenir : elle connaissait les instructions officieuses enjoignant à tous les soldats de l’armée d’occupation de travailler « pour qu’une Flandre reconquise au teutonisme procurât dans l’avenir la sécurité de l’Empire à l’Occident. » Et lorsqu’elle voyait ses oppresseurs lui faire miroiter, dans une lumière enjôleuse, « tous les droits et toutes les libertés possibles, » elle leur répondait, par la plume de son romancier Stijn Streuvels et du député Van Cauwelaert, que si elle les écoutait, c’en serait à tout jamais fini de sa personnalité, et qu’une tutelle intellectuelle exercée par l’Allemagne serait la mort de son génie. Problème flamand, problème wallon, c’étaient là des questions, — M. Huysmans le déclarait expressément, — dont on devait, pendant la durée de la guerre, « nier la nécessité. » Si donc les revendications flamandes d’avant-guerre offraient prétexte à l’Allemagne pour désunir la Belgique, l’Allemagne est désormais avertie que ces revendications font trêve ; sous ses pas de conquérante, le terrain qu’elle voulait exploiter s’effondre.


II

Mais lorsque l’Allemagne a fait choix d’un terrain, elle s’y cramponne, quelque ingrat qu’il se révèle : ainsi que se poursuivit, contre Verdun, la stérilité de son offensive militaire, ainsi se poursuivra, contre les Flandres, son offensive politique. Que la question flamande ne soit qu’une affaire intérieure, destinée à se traiter entre Belges, après la paix, dans la cordialité d’une vie commune, elle a mis son orgueil et ce qu’il lui convient d’appeler son honneur à le contester. Elle veut au

  1. Kurth, La question flamande (1911) (dans La Nationalité belge, p. 205, Namur, Picard-Balon, 1913).