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fut effectué en bon ordre. Les divisions se retirèrent en combattant et sans perdre la liaison. Où il était nécessaire de maintenir la ligne, elle fut rétablie par des contre-attaques. Les garnisons des points d’appui luttaient jusqu’à ce que le gros se fût écoulé et que leur rôle de protection fût terminé ; alors elles se repliaient à leur tour. L’artillerie se retirait par échelons.

À la fin de l’après-midi du 21, de graves nouvelles furent apportées par des aviateurs. Ils voyaient la zone située derrière le front d’attaque ennemi bondée de soldats, et des troupes en masse arrivaient encore de toutes les directions. En même temps, l’ennemi, dont la supériorité numérique était immense, continuait à attaquer en vagues denses et rapprochées. La situation devenait critique. On ordonna à certaines unités de se retrancher pour permettre l’écoulement du reste. On envoya quelques renforts aux points les plus menacés ; mais dans l’ensemble, la conduite adoptée fut de se replier sur les réserves. La cavalerie et les tanks couvraient la retraite. Les troupes arrivèrent tard dans la nuit aux positions prévues où elles s’arrêtèrent. Nous avons vu que les Allemands ne pressèrent pas. Le recul de l’armée dans cette première journée avait été en moyenne de 5 kilomètres.

Le 22, l’ennemi renouvela l’attaque en grande force et avec une extrême énergie. Il fallut donc continuer la retraite jusqu’à une zone assez naturellement forte pour que la résistance y prit une allure définitive. En attendant qu’elle fût atteinte, on devait combattre en arrière-garde, certains points, qui furent désignés, étant énergiquement tenus pour couvrir la retraite. Ces instructions furent exécutées. À minuit, l’armée se trouvait ramenée sur une ligne qui, se détachant vers l’Oise de la ligne originelle, suivait le canal Crozat, puis la Somme, enveloppait Ham, tournait au Nord par Monchy, l’Agache, Vraignes, l’Est de Beaumetz, Brusle, Tincourt et l’Est de Hurlu. Au total, cette ligne couvrait à distance le fossé de la Somme, prolongé au Nord par celui de la Tortille.

Le moment était venu, dans cette nuit du 22 au 23, de prendre une grave décision. Devait-on établir la résistance principale sur cette forte ligne Tortille-Somme, que les Alliés n’avaient pas pu franchir en 1916 ? Devait-on au contraire continuer la retraite ? Il y avait deux points à considérer l’état des divisions engagées, et le temps dans lequel