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souriant qu’il fallait quinze ans, chez nous, pour faire aboutir une idée juste… « le temps, ajoutait-il, nécessaire pour qu’on oublie celui qui l’a émise[1]. » La guerre imprime à toutes choses une allure rapide. Il ne faut plus maintenant que trois ans et demi, au lieu de quinze, pour obtenir ces divers résultats.

Qu’on me passe ces souvenirs personnels. Aussi bien ai-je souvent entendu dire, pendant ces quarante-deux mois, qu’il était regrettable qu’on ne se fût pas décidé tout de suite à une attaque brusquée, au moins sur Zeebrugge ; mais que, de cette opération, les difficultés devenaient tous les jours de plus en plus grandes, les Allemands ayant accumulé sur la côte des Flandres des obstacles de toute nature.

C’était vrai ; et comme ils observent partout la doctrine de l’intimidation, ils ont permis au colonel Egli, de l’armée suisse, de donner, le 22 décembre dernier, dans les Basler Nachrichten, une description détaillée de ces défenses.

L’amirauté britannique, dont la direction militaire est aujourd’hui confiée à M. l’amiral Weymiss, — un combattant des Dardanelles, le 18 mars 1915, — ne s’est pourtant pas laissé intimider. D’ailleurs, limitant son objectif à l’embouteillage de Zeebrugge et d’Ostende, avec, en plus, la destruction du môle du premier de ces ports, elle était en droit de supposer qu’une partie des organisations de l’ennemi, par exemple celles qui ont pour but de s’opposer à la marche en avant d’un corps débarqué resterait sans emploi. J’ajoute que l’opération qu’elle avait en vue a été montée avec un soin minutieux, avec ce souci des moindres détails, — il n’y a pas de petits détails à la guerre, — qui, seul, peut assurer le succès dans une attaque aussi hardie que celle qu’elle méditait.

« Monitors pour le bombardement préalable, croiseurs rapides pour mener l’attaque, vieux bâtimens chargés de ciment pour être coulés et obstruer les passes, compagnies de débarquement à jeter à terre (sur le môle) pour détruire une base d’hydravions, vieux sous-marins chargés d’explosifs pour faire sauter les piles du môle, ferry boats armés spécialement, nuages

  1. Il s’agissait alors de faire exécuter de temps en temps des exercices d’opérations combinées entre armée et flotte, en guise de grandes manœuvres. J’avais demandé cela dans un ouvrage paru en 1885-86. Quinze ans après effectivement, on fit un intéressant exercice de ce genre dans l’Atlantique, à La Pallice. Et j’y assistai comme officier en second du Valmy.