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VI

Le loyal essai de collaboration avec le parti du Centre tenté par les députés catholiques d’Alsace-Lorraine ne fut pas heureux. Au bout de très peu de temps, ceux-ci s’aperçurent que leur concours était requis sans aucune idée de réciprocité et que l’on prétendait se servir d’eux, mais non les servir.

Le « Centre » ne constituait nullement, comme on le pourrait croire, quelque union religieuse des catholiques vivant sur tous les territoires de l’Allemagne, mais bien un véritable parti politique, avec ses intérêts propres, ses intrigues et ses tares. D’excellens catholiques, les Polonais, s’obstinaient à refuser toute compromission avec ce parti, sentant fort bien que, par ce concours, ils serviraient surtout, non pas des intérêts spirituels et religieux, mais bien plutôt de matériels et positifs intérêts prussiens. Depuis qu’ils se sont laissé éblouir par la puissance et gagner par les maximes prussiennes, beaucoup de catholiques allemands ne sont véritablement plus des catholiques, ne sont même plus des chrétiens, mais les grossiers sectateurs d’où ne sait quelle vieille divinité germanique brutale, fourbe et avide de sang.

Dans les catholiques provinces du Rhin elles-mêmes, si peu germaniques, - si pleines de souvenirs latins, devenues prussiennes avec désespoir en 1815 et qui ont si longtemps gardé le mépris et la haine de leur déplaisant dominateur, les victoires de 1870, la prospérité matérielle inouïe qui s’en est suivie, ont, hélas ! retourné et perverti les populations au point de leur inculquer à elles aussi le culte prussien de la force.

Un livre paru quelques années avant cette guerre nous donne là-dessus des éclaircissemens précieux, c’est un roman écrit par une Rhénane, Clara Viebig, et intitulé : die Wacht am Rhein. L’auteur trace un vivant tableau de mœurs de la contrée. L’odieux Prussien n’y est pas ménagé ; ses ridicules, sa grossièreté, ses tares,, sont étalés avec une évidente complaisance. Puis, après trois cents pages consacrées à dépeindre, avec un réel talent, l’antagonisme profond qui sépare l’aimable population rhénane de la brutalité prussienne, tout à coup, à la trois cent unième, apparaît soudain, en quelques lignes, cette conclusion inattendue : « La prospérité, la gloire dont nous jouissons,