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sinistres plaisanteries de la Norddeutsche allgemeine Zeitung et de la Gazette de Spener sonnaient faux, et ce qui avait réellement porté, c’était la menaçante prédiction de M. Teutsch : nouvelles guerres, nouvelles ruines, nouveaux massacre » ! « Quand on rapproche, écrit le correspondant berlinois du XIXe Siècle, cette sombre prédiction du récent discours de M. de Moltke, il en est plus d’un qui ne peut s’empêcher de frémir[1]. »

En France cependant, sur le pénible incident Raess, la presse gardait l’attitude la plus réservée, la plus correcte, la plus digne ; c’était pour elle, comme le faisait sagement observer le Journal des Débats, un rigoureux devoir d’attendre le jugement de l’Alsace et de la Lorraine avant de prononcer le sien : « Pour qui connaît le caractère des populations alsaciennes, disait le correspondant de ce journal, c’est mal se recommander auprès d’elles que d’empiéter, même par sympathie, sur les droits dont elles sont jalouses[2]. »

Aussi, n’est-ce que le 15 mars, près d’un mois après la séance du Reichstag, que, dans ce même journal, John Lemoinne publia ces lignes si douloureusement émues et si pleines d’une claire vision de l’avenir : « Les discussions du Parlement allemand ont offert, dans ces derniers temps, le plus profond intérêt pour la France, et c’est cependant en France qu’on s’en est le moins occupé. La presse française est à cet égard beaucoup moins libre que la presse des autres pays ; nous sommes forcés de garder, sinon le silence, au moins la plus dure réserve sur nos propres affaires. Nous nous y soumettons parce que notre premier devoir, quand il s’agit des relations de notre gouvernement, quel qu’il soit, avec les étrangers, est d’obéir à la nécessité et de consulter avant tout l’intérêt du pays. Il nous a été cruel de ne pouvoir applaudir, comme nous l’aurions ardemment voulu, aux patriotiques protestations des représentans de l’Alsace et de la Lorraine ; mais nous sommes obligés de reconnaître qu’eux seuls avaient le droit de les faire…

« Réduits comme nous le sommes à l’impuissance… nous nous bornons à observer l’effet que produisent, sur le reste de l’Europe, les manifestes de M. de Moltke et de M. de Bismarck…

  1. Le XIXe Siècle, 25 février.
  2. Journal des Débats, 28 février.