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derrière lui ni son clergé ni ses fidèles[1], » dit un prêtre ; et un autre avec ce cri vibrant de sincérité : « le clergé de Strasbourg est dans une bien douloureuse situation », envoie au Niederrheinische Kurier l’adresse que cinquante prêtres de Strasbourg ont signée pour exprimer à M. Teutsch leur admiration et leur gratitude, ne pouvant publiquement blâmer leur évêque[2]. Quelques jours plus tard, le 25 février, de Rochberg où il s’était retiré depuis son départ de Berlin, M. Teutsch envoyait à l’abbé Delsor, professeur au petit séminaire de Strasbourg, chargé de lui transmettre cette adresse, ces remerciemens du cœur : «… Nous n’avons jamais douté, mes collègues et moi, que les catholiques d’Alsace-Lorraine et en particulier le clergé si patriotique du votre ville n’approuvassent la pensée qui a inspiré mon discours. Nous avons toujours cru que la défaillance de Mgr de Strasbourg lui était toute personnelle, mais nous ne vous en sommes pas moins reconnaissais, dans l’intérêt de notre cause, d’avoir publiquement affirmé vos sympathies[3]. »

Renié par ses collègues, par ses électeurs, par ses fidèles, par son clergé même, le vieux prélat, en ce tragique isolement, ont, — suprême honte, — à subir les emphatiques éloges de toute la presse allemande ! Ce fut sa fin. Traînant désormais une existence solitaire, fui de tous, au point que, à son entrée dans la cathédrale de Strasbourg, les fidèles se détournaient pour éviter sa bénédiction[4], le malheureux mourut, plus de dix longues années plus tard, le 17 novembre 1887, poursuivi jusque dans la tombe, jusque dans l’avenir, par la lourde gratitude allemande. Dans le recueil officieux publié à Leipzig pour commémorer tous les hommes marquans de l’Allemagne, l’Allgemeine deutsche Biographie, un long article lui est consacré, énumérant avec complaisance ses nombreux travaux de théologie publiés en Allemagne. Après l’éloge pourtant, cet article se termine ainsi : « Mais le sol de Berlin lui fut fatal. Lorsque, après la protestation du député Teutsch devant le Reichstag, il déclara que les catholiques du pays d’Empire reconnaissaient la paix de Francfort, son rôle était

  1. Moniteur universel, 24 février.
  2. Reproduit par le Temps, 27 février.
  3. Temps, 7 mars.
  4. Abbé Félix Klein, ouvrage cité.