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de vue doctrinal et du droit public. Le calme se rétablit aussitôt, et je pus faire entendre les paroles suivantes, fidèlement reproduites par la sténographie : (suit le texte des malheureuses paroles). Ne pouvant taxer purement et simplement de non avenu le traité de Francfort, ni voulant l’accepter purement et simplement dans toutes ses conséquences, j’ai, pour conserver à la discussion le champ ouvert et libre, choisi un moyen terme et une expression qui, tout en respectant le traité, ne nous empêchait pas d’en faire ressortir et d’en attaquer les conséquences déplorables pour l’Alsace-Lorraine, et nous per : mettait de rester au Reichstag pour défendre nos droits et présenter fructueusement nos griefs et nos vœux… Tout cela ne prouve pas que l’annexion ait jamais eu mes sympathies… Si donc messieurs nos collègues n’obtiennent pas de la France et de l’Allemagne la suppression du traité de Francfort, qu’ils ne fassent pas de la politique de sentiment… et que ceux qui font de l’agitation et ne cessent de m’accabler d’injures, soit des villes d’Alsace, soit même de l’intérieur de la Fiance, me permettent de rester sur le terrain de la bonne doctrine, du droit public et de la saine raison ; qu’ils renoncent à la manie de créer des complications à la France et à l’Allemagne et à appeler sur l’Alsace de nouvelles rigueurs, aussi longtemps qu’ils n’auront pas à leur disposition une armée de douce cent mille hommes pour venir déchirer le traité de Francfort[1]. »

Quelle pâteuse et trouble explication ! Que de « moyens termes » et de distinguo ! L’expression est digne des sentimens. Le culte de la force, l’acceptation bénévole du droit qu’elle crée, cela n’est ni alsacien, ni français, ni latin, ni chrétien. Par le cœur et par l’esprit autant que par l’apparence physique, Mgr Raess était bien Allemand.

Edmond About, comme patriote lorrain, ne put retenir, contre Mgr Raess, la verve de sa plume acérée : « Lorsque, écrit-il dans le XIXe Siècle, les députés allemands, mis en gaieté par un sublime appel à la conscience des hommes et à la justice de Dieu, eurent fini de rire, on vit monter à la tribune un gros vieillard apoplectique… évêque par l’habit, vigneron par le type et bien connu d’ailleurs comme marchand d’un petit vin jaunet qu’il impose aux curés de son diocèse. »

  1. Le Monde, 5 mars. La lettre est datée : Berlin, 28 février.