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C’est d’un commun accord entre tous les députés alsaciens-lorrains catholiques qu’avait été rédigée cette déclaration. Par déférence, pour un vieux prélat, leur propre évêque, et pour lui épargner l’humiliation d’entendre ainsi séparer sa cause de celle de tous ses collègues, deux des prêtres députés d’Alsace prirent soin, pendant la lecture de la protestation de M. Pougnel, de demeurer dans la salle des pas perdus, prêts à retenir au passage Mgr Raess. Il eut la sagesse de ne point paraître[1].

Après ce formel désaveu des paroles de Mgr Raess, les huit députés catholiques résolurent de ne pas quitter Berlin, comme l’avaient fait déjà Mgr Dupont des Loges et les députés protestans. Ils espéraient par leur présence au Reichstag pouvoir, à l’occasion, être utiles à leur cause ; attitude d’ailleurs qui n’était nullement blâmée par ceux des Alsaciens-Lorrains qui avaient préféré s’éloigner : « Gardez-vous bien, dans vos correspondances, — disait au correspondant d’un journal français, l’un des députés protestans au moment de quitter Berlin, — gardez-vous de mettre en suspicion le patriotisme des députés d’Alsace-Lorraine qui resteront ici pour défendre leurs intérêts religieux. Nous comprenons leurs motifs et nous les respectons. Pour nous, nous n’avons que faire ici[2]. »

Au milieu de ses collègues, presque tous prêtres et qui, par devoir de discipline, demeuraient envers lui respectueux, mais glacés, l’attitude de Mgr Raess avait cessé d’être souriante et devenait embarrassée, honteuse, tristement humiliée.

Dans une lettre datée « Salle du Reichstag, 20 février 1871, » l’abbé Simonis, député de Ribauvillé et Sainte-Marie-aux-Mines, annonce au curé de la Madeleine : « Je vous écris à la gauche de Monseigneur, à qui j’ai mis votre dépêche sous les yeux. C’est la deuxième que je lui montre… », puis, après avoir mentionné l’étonnement de tous au moment où, contrairement à ce qui avait été convenu, l’évêque de Strasbourg prononça ses-mal heureuses paroles, l’abbé Simonis donne ces précisions : « Le soir, nous étions bien embarrassés ; nous rédigeâmes un projet pour désavouer l’évêque. Voici ce qui fut fait : Pougnet monta à la tribune pour déclarer que Monseigneur n’avait parlé qu’en son

  1. Abbé Félix Klein, Vie de Mgr Dupont des Loges, écrite d’après les papiers confiés à l’auteur par le chanoine Villeurmier, de Metz, légataire universel de Mgr Dupont des Loges.
  2. Moniteur universel, 25 février.