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malentendu qui pourrait nous atteindre, moi et mes coreligionnaires, je me trouve obligé, en conscience, d’apporter ici une simple explication. Les Alsaciens-Lorrains de ma confession n’ont nullement l’intention de mettre en question le traité de Francfort, conclu entre deux grandes Puissances. Voilà ce que je voulais expliquer ici[1]. »

Quelques applaudissemens accueillirent ces paroles, qui n’avaient été perçues que d’une partie de la salle[2]. Mais, dans le petit groupe des députés alsaciens, elles provoquèrent soudain un sentiment de douloureuse et profonde stupéfaction.

Lorsque l’évêque de Strasbourg descendit de la tribune et, le sourire aux lèvres, rejoignit ses collègues, un silence glacé l’accueillit.

« M. Teutsch, — dit-il, en reprenant sa place à côté de Mgr Dupont des Loges, — a parlé comme un écolier de quatrième, je ne pouvais me taire après un tel langage.

— C’est vous, hélas ! Monseigneur, répondit tristement l’évêque de Metz, c’est vous qui venez de prononcer des paroles qui auront dans tous les cœurs alsaciens les plus douloureux retentissemens ![3] »

Cependant, transmise de bouche en bouche à travers la salle, cette déclaration de l’évêque alsacien recueillait, à mesure qu’elle était connue, la plus joyeuse approbation allemande ; un inexprimable enthousiasme éclata dans la salle : « Pendant un quart d’heure, raconte un témoin oculaire, le président fit de vains efforts pour dominer le bruit et rappeler l’assemblée au calme… Dans les tribunes du public même, le tumulte était indescriptible[4]. » Au milieu du bruit, l’abbé Winterer, selon le droit qu’il croyait avoir à la parole, essayait en vain d’aborder la tribune ; l’accès lui en était strictement refusé par le président qui, en toute hâte, maintenant que la petite manœuvre fondée sur la vieillesse et la fatigue de l’évêque de Strasbourg avait si bien réussi, se hâtait, suivant le plan combiné d’avance, d’étouffer définitivement le débat.

« Une demande de clôture, dit-il, m’a été remise par trois membres de l’Assemblée. Je la mets aux voix. »

  1. Stenographische Berichte des Reichstages.
  2. Le XIXe Siècle, 2 mars.
  3. Abbé Félix Klein, Vie de Mgr Dupont des Loges.
  4. Le Monde, dimanche 22 février.