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Implora eterna quiete. — Et il est à huit ans de sa mort ! En lisant ces derniers mots, ne songe-t-on pas à d’autres mots navrans :


J’ai perdu ma force et ma vie
Et mes amis et ma gaîté ;
J’ai perdu jusqu’à la fierté
Qui faisait croire à mon génie ?


Après la mort de Musset, Lamartine, ayant traité bien légèrement le poète des Nuits (au cours de son dix-huitième Entretien littéraire)[1], Paul de Musset publia dans la Revue sa Réponse à une affirmation de M. de Lamartine sur A. de Musset. Cette réponse très digne, très juste d’ailleurs, était là fort à sa place, — et voici une lettre de Paul, écrite d’Angers au directeur de la Revue, en juillet 1857, concernant cette publication. Son frère, on s’en souviendra, était mort quelques semaines plus tôt, en mai.


« Mon cher Buloz,

« Quand je suis arrivé à Angers hier soir, ma mère n’a pas manqué de me demander lecture de ma lettre à Lamartine. Elle en a été satisfaite, à l’exception d’un mot qui l’a blessée, et que je vous prie de faire corriger immédiatement, car ma pauvre mère est dans un état nerveux où la moindre chose l’exaspère.

« Il s’agit du mol : Il a vécu pauvre, il est mort pauvre. — Ma mère ne veut point de cela, et soutient d’ailleurs que ce n’est pas exact. Faites-moi donc le plaisir de me lire : Il a vécu sans ambition, il est mort sans fortune. Vous trouverez cette phrase au milieu de la lettre, avant le mot : Enrichis-toi qui, étant en italique, se voit de loin. Je vous recommande instamment cette correction, quelque peu d’importance qu’elle vous semble avoir ; ce rien suffirait pour mettre ma mère au désespoir.

« On pense ici que j’ai eu raison d’écrire à Lamartine, mais on dit aussi que cette lettre n’est pas facile à faire. J’espère que les Angevins la trouveront convenable. Je crains un peu, je vous l’avoue, qu’elle soit noyée dans son petit texte à la fin de

  1. Entre autres légèretés, ’ Lamartine reprochait à A. de Musset, après ses grandes déceptions amoureuses, d’avoir raillé l’amour, dans la Coupe et les Lèvres, bien antérieure à ces déceptions, etc.