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sa nature, que la Marraine a si bien saisi quand elle a dit : « Non, il n’est pas de ciel orageux panaché, éclairé par un soleil de mars, dont la mobilité puisse être comparable à celle de son humeur. Éviter le nuage pouvait être difficile, le dissiper ne demandait qu’une caresse de l’esprit. »

En 1817, la Revue publia quelques poésies de Musset, des sonnets à Mme Menessier-Nodier, des vers à Tattet, à Victor Hugo, aussi Horace et Lydie… Je ne sais pourquoi ces poésies, malgré les sujets très différens, me semblent toutes empreintes de mélancolie ; . depuis ses graves maladies, la tristesse envahissait de plus en plus l’esprit du poète… Cette année 1847 lui fut aussi cruelle : sa mère quitta Paris et alla s’installer en Anjou auprès de sa fille nouvellement mariée. C’était la dissolution du petit cercle familial que Musset aimait, la fin de cette intimité qu’il retrouvait dans ses heures de détresse, aussi la privation de cette sollicitude tendre et discrète, dont l’entouraient sa mère et sa sœur, et cela à l’heure où, de plus en plus, il s’assombrit, où l’amertume chaque jour envahit davantage sa vie et ses pensées. Désormais, il aura une gouvernante, et vivra seul, Paul restant son voisin, néanmoins ; mais Paul s’absente souvent, et Alfred ne peut se résoudre que difficilement à quitter son Paris.

Viendra la révolution de 48 qui apportera au poète de nouveaux ennuis : « Ledru-Rollin, ignorant comme un saumon, » lui retirera ses fonctions de bibliothécaire à l’Intérieur[1]et, malgré les démarches de Paul, qui, écrivant au National, comptait des amis dans la place, le tribun ne reviendra pas sur cette regrettable initiative, qui ne fait guère honneur au discernement de ce libertaire bruyant…

Je n’ai qu’une lettre de Musset après 48. Mais elle est très curieuse. C’est, comme autrefois, un mélange de drôlerie gamine, et aussi de tristesse morbide. On verra qu’il songe déjà à… l’ennuyeux parc de Versailles.


O bassins, quinconces, charmilles !
Boulingrins pleins de majesté,
Où les dimanches, tout l’été,
Bâillent tant d’honnêtes familles !

  1. Il y nomma le citoyen Marie-Augier, journaliste.