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ont été chargés de préparer la réponse. Vous voyez la France profonde et vraie, celle qui combat, celle qui travaille, prie, espère. Elle ne ressemble point aux portraits qui avaient cours. Je ne suis pas ici pour louer mon pays ; vous me permettrez cependant de citer cette pensée, qu’un de vos grands écrivains, Edmund Gosse, écrivait dans l’Edinburgh Review de juillet dernier : « Un des traits les plus extraordinaires de l’histoire des jeunes officiers dans cette guerre a été l’abandon de leur volonté à la grâce de Dieu et aux ordres de leurs chefs. Les officiers français marchaient aux bains de sang de Belgique et de Lorraine, avec solennité, comme à un sacrement. » Ce sont les saintes femmes de France qui ont fait les soldats glorieux. Ce pays, à tant d’égards mystérieux, ne peut être compris que si on lui reconnaît une mission de l’ordre le plus haut : fidèle, il est par elle exalté ; s’il s’en écarte, il y est ramené ; il lui arrive de la servir sans avoir la claire vue de son rôle et du chemin de sa douleur. Au plus creux de l’épreuve, il garde un ferme courage ; il a confiance qu’il ne périra point, et que, comme le Maître secret de son cœur, il ressuscitera. Toute son histoire atteste qu’il ne se trompe point. L’épreuve a toujours grandi la France. Notre vieux poète Ronsard le disait joliment dans une épitre à la Reine Élisabeth d’Angleterre :


Le Français semble un saule verdissant :
Plus on le coupe et plus il est naissant,
Et rejetonne en branches davantage,
Et prend vigueur dans son propre dommage.


Vous êtes avec nous à la peine et à l’honneur ; vous avez votre part, aujourd’hui, dans la mission de la France ; vous vous battez pour bien plus que votre avenir et que le nôtre. Je conclurai donc : nous devons rester unis pour sauver le patrimoine moral magnifique que le triomphe de l’Allemagne aurait certainement abattu ; elle est une puissance de corruption, elle est foncièrement une nation païenne qui prononce des formules de religion, et je vous dis que, dans cette grande guerre, nous nous sommes levés pour le Christ, et que nous devons demeurer unis, plus que jamais, afin que la pure figure du Christ domine la civilisation défendue par nos armes.


RENE BAZIN